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“Scandales des médicaments, à qui la faute ?” On se le demande bien !

Extraction* de comprimés de Nilozane des laboratoires Larieux (*du téléfilm)Hier soir, sur France 2, chaîne dite de « service public », diffusion d’un téléfilm tourné en 2015, « ENVERS ET CONTRE TOUS », de Thierry BINISTI, avec une excellente prestation de l’actrice principale, Cécile BOIS (la mère), le second rôle étant confié à Loup-Denis ELION (l’avocat).

Voici le synopsis :

« Le combat d’Audrey Gautier, jeune mère isolée au chômage, face à l’industrie pharmaceutique. Son fils Enzo, élève en sport-étude, a fait un AVC et se trouve dans le coma. Un simple rhume l’affaiblissait ce matin-là, jour de tests sportifs, et sa mère lui a donné du Nilozane, un médicament prescrit par son généraliste. Dans la matinée, Enzo a perdu connaissance. Pascal, un jeune interne, a eu vent de l’affaire, une chercheuse enquêtait d’ailleurs sur de possibles effets secondaires de la molécule. Poursuivie par Pôle-Emploi pour avoir agressé une employée qui la privait de ses droits alors qu’elle était au chevet de son fils hospitalisé, Audrey se voit contrainte de prendre un avocat de l’assistance juridique bénévole pour plaider sa cause. Elle tombe sur maître Tcheuffa, un avocat sur la touche… »

Ça semble mièvre et court, mais, contre toute attente, j’ai accroché…
On sent les circonvolutions, la prudence infinie, l’enrobage.

C’est gentillet, mignonnet, mais ça glisse quelques messages, quelques alertes.
Un peu comme si le réalisateur pouvait lui aussi être éliminé, à la façon de certains petits rôles dans le film…

Le Nilozane, médicament fictif, fait en partie allusion au Médiator (Servier).
Le laboratoire pharmaceutique tout puissant se nomme Larieux, allusion probable à l’Institut Mérieux.
Et ça se passe à Lyon, là où est le siège social de… Mérieux !

Il y a des « saillies » à plusieurs moments, dont cette plaidoirie de l’avocat devant le président du tribunal (pénal) et les juges :

« En France, par an, vingt mille personnes sont victimes d’accidents liés aux médicaments. C’est comme si, toutes les semaines, un avion de ligne s’écrasait sur le sol français. Si tel était le cas, ne pensez-vous pas qu’on demanderait à la compagnie de stopper ses avions, et d’analyser le problème ? Alors, pourquoi ne le faisons-nous pas avec les médicaments ? Pourquoi ? »

Bon, ces avions sont gros et bien remplis (ça nous ferait 385 passagers/morts par appareil), disons plutôt deux à trois par semaine ;-)

La question, à ce stade, c’est : Pourquoi ce téléfilm a-t-il été diffusé, même avec retard (2015 vs 2016) ?

En plus, tenez-vous bien, il est normalement suivi d’un « débat » de soixante-quinze minutes « SCANDALE DES MÉDICAMENTS, À QUI LA FAUTE ? », animé par Julian BUGIER.
Donc, débat de 22h40 à 23h55…

22h40, le « débat » commence…
Les premiers présentés sont :

  • Patrick ERRARD, président du LEEM (Les entreprises du Médicament, une sorte de syndicat/fédération des labos pharmaceutiques français)
  • Dominique MARTIN, directeur de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament)

Suivis de « grands témoins », au nombre de quatre, deux « victimes des médicaments », un médecin généraliste, et Jean-Christophe BRISARD, journaliste et auteur, avec Irène FRACHON, du livre « Effets secondaires – Le scandale français ».

Mais, surprise, l’acteur Loup-Denis ELION, second rôle du téléfilm, est aussi présent sur le plateau…

Le présentateur commence :

« Un mot du film d’abord, avec vous, Loup-Denis ELION. Merci d’être là. C’est un film dur, c’est un film poignant, c’est un film sur une thématique qui n’est pas facile que vous nous présentez ce soir, et pourtant il y a beaucoup de sourires, il y a beaucoup d’émotions, il y a beaucoup de joie. »

Et l’acteur répond :

« Oui, parce qu’on voulait rester, euh, malgré tout, dans une certaine forme de divertissement. C’est un film sur un sujet sérieux, mais euh… le réalisateur Thierry BINISTI avait envie de, euh, voilà, symboliser un petit peu que la vie continuait, que malgré tous ces drames, je pense que les personnes pourront en témoigner ici, et euh, voilà, il m’a donné un petit peu la mission d’alléger un petit peu le propos… »

Ben voyons, la vie « continue »… Et pourquoi la « mission d’alléger un petit peu le propos », alors que c’était déjà loin d’être violent ???
Et pourquoi n’est-il pas sur le plateau, ce réalisateur ?
Il faut dire qu’un peu plus tard l’acteur dira qu’il connaît des gens qui reçoivent des « pressions »…

S’ensuivent de longs témoignages, touchants, des deux femmes/victimes présentes sur le plateau.
Puis, les représentants du LEEM et de l’ANSM s’expriment, avec de l’indécence, du mensonge, du cynisme…

Et, au moment où l’on se dit que cela va devenir vraiment intéressant avec le médecin généraliste qui fait des grimaces, et le journaliste-auteur, l’animateur reprend la parole :

« Voilà, il y a une volonté de reconnaître les victimes, et on vous comprend. Il y a une volonté de faire avancer les choses, peut-être pas assez vite, mais il y a cette volonté-là. Merci pour ces explications, merci pour votre participation. C’est un sujet important que nous avons abordé ce soir, et, Jean-Christophe BRISARD, je rappelle le titre de votre livre… Merci à tous les sept pour votre participation. C’est la fin de cette “Soirée continue”… Merci, bonsoir. »

À ma montre il est 23h28, alors que l’émission devait se terminer à 23h55.

D’ailleurs, sur cette copie d’écran de Pluzz, vous pouvez constater que le « Replay » ne dure que 50 minutes et 16 secondes, alors qu’en bas, la durée annoncée est bien de 75’ :

Capture écran du "replay" Pluzz 20161117-10h53
La preuve sur Pluzz : 50:16 au lieu de 75′ annoncées !
Et encore, là, c’est le lancement, ça n’a pas encore commencé…

« Débat », déjà court pour sept intervenants, amputé d’un tiers, au moment où cela devenait, normalement, le plus intéressant.

Bref, les laboratoires/entreprises du médicament peuvent bien continuer leur machiavélique et cynique business…

Vignette : « Un petit comprimé de Nilozane pour son fils qui a un rhume » (Extrait d’un plan du film)

© PF/Grinçant.com (2016)

PS : Le film se termine, justement, par un extrait du Serment d’Hippocrate…

Extrait Serment d'Hippocrate avant générique de fin du film
“Dans toutes les maisons, où je dois entrer, je viendrai pour l’utilité des malades, me tenant à l’écart de toute injustice volontaire, de tout acte corrupteur” – Serment d’Hippocrate

Quelques billets en rapport :

4 commentaires sur ““Scandales des médicaments, à qui la faute ?” On se le demande bien !”

  1. Avatar photo

    On ne change pas une équipe qui gagne, l’info est diffusée, ou plutôt contrôlée par des journalistes, les interventions châtrées d’avance, les ptits cerveaux feront ce qu’ils peuvent avec ça…

    Très récemment aussi, le grand bluff du cholestérol est éloquent, ça ne change rien chez les prescripteurs, j’ai un pote qui vient de réchapper à un petit infarctus d’alerte, il est ressorti avec sa dose de statines et un régime. Moi, j’arrête de dire ce que je pense tant qu’on ne me le demande pas.

    J’ai un autre pote en attente d’une greffe grâce à un vaccin de l’hépatite qui lui a permis d’entrer dans un processus de cobaye, là aussi, j’accompagne, j’écoute, j’essaie de dérider, et je m’en tiens là.

    Ma propre mère âgée pense qu’il y a encore du pollen dans l’air, une bronchite à mon avis nerveuse (je la connais) l’a conduite chez son médecin traitant pour une bonne dose d’antibiotiques, je ne dis plus rien.

    Les autres, les « spécialistes » ont forcément raison, mon faible QI me permet juste de rester en bonne santé :-)

    1. Avatar photo

      « Moi, j’arrête de dire ce que je pense tant qu’on ne me le demande pas. »
      « j’accompagne, j’écoute, j’essaie de dérider, et je m’en tiens là. »
      « je ne dis plus rien. »

      Nous en sommes là, en effet, et c’est dramatique !

      Dans le film, ce médicament qui cause un AVC à un gamin de 16 ans lui a été prescrit pour un… Rhume !
      Alors que l’on sait que ça passe tout seul, sans rien prendre.

      Ce qui m’interpelle, c’est : « Pourquoi ce téléfilm a-t-il été diffusé, même avec retard (2015 vs 2016) ? »
      Dans ce contexte, et avec un débat castré/châtré derrière, je ne comprends absolument pas.
      Et un « acteur » qui vient minorer la portée de ce qu’il faut péniblement comprendre…

      À Rennes, l’ANSM a couvert des essais thérapeutiques criminels.
      À Nantes, en ce moment, c’est la même ANSM qui est chargée de l’enquête sur les personnes décédées suite à une « chimio » modifiée au CHU…

      Merci pour votre post, Universel, car il en dit long sur l’état d’esprit actuel :-/ ;-)
      Et, surtout avec ce blog, je le ressens à fond !

      PS : En plus, je note que mes billets sur la Santé/Médecine tombent souvent à l’eau… Il va falloir que j’achète un violon pour pisser dedans, il me suffira de le porter à un labo pour analyse qui me dira que je suis… Musicien !

  2. Avatar photo

    Bien au contraire PF je ne crois pas que ce type de Billets tombent à l’eau.

    En revanche ce qui est certains c’est qu’il y a une véritable omerta imposée par :
    – les laboratoires
    – les pouvoirs publics (y compris les autorité de contrôle comme l’ANSM et surtout l’ARS)
    – une grande partie du corps médical (dont les motivations sont protéiformes)

    Des gens comme Irène Frachon il y en a plus qu’on ne pense, mais moins qu’il ne devrait.
    En revanche, il est certain que beaucoup n’osent pas aller jusqu’au bout.
    Il faut dire que rentrer en guerre contre les 3 groupes nommés en supra, c’est s’exposer à subir des attaques inouïes, des coups terribles et voir sa vie livrée à une véritable destruction psychologique et physique savamment orchestrée par ces fumiers.
    C’est un combat solitaire, car la presse et les associations qui devraient justement vous soutenir sont elles aussi aux abonnées absentes quand elles ne flirtent pas avec ceux qui sonnent l’hallali.

    Dans un autre registre, regardez ce qu’il est advenu aux lanceurs d’alertes ayant dénoncé le Luxleaks…

    Irène Frachon est à ce titre non seulement magistrale dans sa force, sa conviction et sa résistance mais elle est aussi à mon avis une véritable héroïne.
    Cette femme mérite la reconnaissance de la Nation, mais dans ce monde de pourris elle n’aura même pas droit à la légion d’honneur.

    Donc, si ces billets semblent peu commentés, je ne suis pas persuadé qu’il faille vous en détourner.

    Vous seul avez les stats pour savoir s’ils sont consultés, c’est à vous de voir mais votre Blog n’étant pas sujet à la course à l’audimat, votre plaidoyer et vos propos essaimeront des petits cailloux qui un jour pourront être ramassés, distribués, etc., etc., et de plus vous permettent d’être en accord avec vous-même.

    En tout cas, moi je vous remercie de ce billet, je n’avais pas vu ce sujet et vous suis gré de le porter à ma connaissance.

    1. Avatar photo

      Simple, sur les 30 derniers jours, ce billet est en 49e position.*
      Et attention, le « gap » peut être très important d’un billet à l’autre.

      Alors, effectivement, je ne fais pas la course à l’audience ni aux commentaires (je préfère nettement la qualité à la quantité), mais cela reste un peu frustrant.
      Car, sans être Irène Frachon (son combat dans l’affaire du Mediator a été admirable), il y a une prise de risques réelle mêlée à un sentiment d’impuissance.
      Le bilan est presque toujours le même, d’ailleurs, sur des billets « Santé », avec mon approche/positionnement pas du tout « mainstream ».

      Bref, j’en reste effectivement aux petits cailloux sur ce genre de dossier.
      Et je sais que c’est quand même utile, avec à minima le sentiment d’avoir… « fait ma tâche » ;-)

      *Remarquez, en fait, ça n’est pas si mal ;-), mais il est certain que par rapport à certains « blockbusters » ici, il n’y a pas photo…

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