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Crise du Covid-19 et reins viables à la poubelle

Sujet très sensible pour moi, la greffe, celle d’un rein.
À ma sortie de l’hôpital, en novembre 2018, je suis entré dans un « parcours greffe ».
Le genre de chose difficile à accepter.
Et c’est plutôt compliqué, avec beaucoup d’examens à passer : il faut que vous en « valiez la peine », car on ne veut/on ne peut « gâcher » un rein sain, c’est trop précieux.
Il ne m’en restait plus qu’un à passer/réussir avant une ultime visite en CHU.
Pour ensuite être inscrit sur la liste d’attente et… attendre !
Attendre quoi ?
Pour moi, pas de rein d’un donneur « vivant », c’est hors de question.
Donc, il faut attendre un rein d’un donneur « décédé ».
Et il faut surtout que ce rein soit viable/en bon état, et « compatible » pour éviter un rejet.

Un « donneur » décédé, c’est (normalement) deux reins…
Sachant que pour un insuffisant rénal « terminal », on ne fait que lui ajouter un troisième rein, fonctionnel, lui.
Un donneur peut donc « sauver » deux personnes…
Mais les organes sont rares, et les centres de greffes limités dans leurs capacités (pourquoi ?).
Une fois sur la fameuse liste, le délai d’attente va de 12 à 48 mois, voire plus.
Et l’on peut être appelé à tout moment, la transplantation devant se faire en urgence, l’organe en attente ne résistant pas très longtemps dans son bac à glace.

Pour ma part, j’ai la chance de ne jamais être entré en dialyse.
De toutes les manières, j’estime que c’est une horreur, ce traitement dit de « suppléance » (à la défaillance d’un organe vital).

Il s’est aussi passé autre chose…
Je « résiste » étonnamment bien, même si je suis à nouveau dans la zone rouge foncé/noire (dernier DFG à 14).
Et, de ce fait, d’un commun accord avec mon Néphrologue (je mets une majuscule), nous avons suspendu la procédure « greffe ».
“Balance Avantages/Risques” pas évidente, voire défavorable…

En plus, je suis un peu piégé, car ma FAV (fistule artérioveineuse) — qui était pourtant superbe — s’est bouchée (thrombose)… Donc il faudrait m’en refaire une (chirurgie vasculaire) — et il faut ensuite du temps pour qu’elle soit opérationnelle —, ce qui n’est pas au programme.
La FAV, c’est pour la dialyse. Mais bon, tant que je peux m’en passer.
Bref, c’est compliqué, la situation est (très) inconfortable, mais j’ai appris à vivre ainsi et à faire confiance, du moins dans ce domaine.

Pourquoi je vous raconte tout ça ?
Tout simplement parce que lundi 11 mai, jour du déconfinement, j’ai failli tomber de ma chaise…
En discutant avec une soignante, à l’hôpital, j’ai appris qu’il n’y avait plus de greffes de reins en ce moment !!!
J’ai reformulé, et elle me l’a confirmé.
À cause du Covid-19 et du « Plan blanc maximal » dans les hôpitaux, avec sa section « déprogrammation ».

Vous allez me dire que je devrais m’en foutre, puisque je ne suis pas sur la fameuse liste d’attente.
Ben en fait non, je ne m’en fous pas, car je mesure les enjeux pour les patients concernés.
J’ai donc voulu vérifier, et, effectivement, depuis le 13 mars 2020, tout est arrêté !!!
Voici un extrait du document de référence, lui du 21 mars 2020, même pas daté dans sa version PDF :

« COvid-19 : Suspension provisoire de l’activité de transplantation rénale et rein/ pancréas en France

Les sociétés savantes suivantes : Société Francophone de Transplantation (SFT), Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation (SFNDT) et Association Française d’Urologie (AFU) souhaitent communiquer sur le programme de transplantation rénale en France.

La transplantation rénale améliore la qualité de vie des patients insuffisants rénaux mais il existe des alternatives sûres (hémodialyse et dialyse péritonéale) qui permettent d’attendre. Une épidémie de Covid-19 est en place en France et s’étend progressivement. Le risque d’infection est particulièrement élevé chez le patient récemment transplanté en raison du traitement immunosuppresseur renforcé des premières semaines de greffe. Les sociétés savantes ont analysé ce risque, et consulté la totalité des équipes de greffe rénale en France. A l’unanimité, la communauté des médecins transplanteurs de rein considère aujourd’hui que le risque est supérieur au bénéfice. Par ailleurs, dans beaucoup de centres, les conditions logistiques de la greffe ne sont plus réunies. En conséquence, les activités de greffe de Donneur Vivant et de Donneur Décédé ont progressivement été suspendues dans toutes les équipes de transplantation rénale et pancréatique. »

Le communiqué au format PDF
(21/03/2020 — Source AFU)

« Sociétés savantes » ??? On voit ce qu’elles donnent dans la crise du Covid-19, notamment avec les spécimens qui ont écumé les plateaux TV ! Et ne parlons même pas du fameux « Comité scientifique » adossé au « gouvernement », en fait un comité d’idiots utiles qui sert maintenant de parapluie/paratonnerre !

« … il existe des alternatives sûres (hémodialyse et dialyse péritonéale) qui permettent d’attendre »
« Sûres » ? Vous en êtes certains ? Vous aimeriez passer par ce genre d’alternative ? N’est-il pas vrai que cela dégrade les chances de réussite de la greffe ?

Dans mon cas, il était justement prévu de tout faire — car je suis considéré comme « jeune » — pour que je bénéficie d’une greffe sans passer par cette foutue case dialyse, même si on m’y a préparé psychologiquement — ce qui n’est d’ailleurs pas gagné — et aussi physiquement (la FAV, par précaution), mais là c’est raté.

Pour ma part, je vois dans cette « Suspension provisoire des transplantations » quelque chose d’une gravité extrême
Des « donneurs », c’est rare…
Des reins transplantables, c’est rare…
Mais il s’en présente — malheureusement pour les donneurs, et heureusement pour les receveurs — tous les jours dans un pays comme la France, avec ses 67 millions d’habitants et les aléas de la vie.
Et l’un des principaux motifs que l’on oppose aux receveurs en demande/attente, c’est « Nous n’avons pas d’organe, il faut attendre… ».

Et alors, en cette période de Coronavirus/Covid-19, des décès, il n’y en a pas ?
Des organes à récupérer/prélever, il n’y en a pas ?

Et s’il y en a, vous en faites quoi, vous les mettez au congélo, pour en faire des rognons ?
Ou bien vous les laissez passer, vers le cimetière/la crémation ?

Et dans ce cas, c’est un receveur qui peut continuer à souffrir, voire crever.
Et aussi un donneur qui pensait pouvoir être (vraiment) utile — même mort — et que l’on trahit…

Alors, depuis le 13 mars 2020, tous ces reins, ils sont partis où, ils ont servi à quoi ?
Ne cherchez pas, la réponse je la connais, elle est pathétique et même scandaleuse !

Vignette : « Si c’était des reins transplantables, vous les jetteriez ? »

© PF/Grinçant.com (2020)


Quelques chiffres

En 2016, en France, il y a eu 3 615 greffes rénales, dont seulement 576 à partir d’un donneur « vivant ». Il y a donc eu 3 039 greffes — soit 84,1 % — à partir d’un donneur « décédé ».
Sur ces seules bases, en deux mois, c’est donc 506 greffes qui n’ont déjà pas eu lieu — et autant de reins mis à la poubelle —, et 253 décès qui n’auront même pas eu cette utilité.
Et combien de pertes de chances ? Combien de dialysés qui sont morts ?

Une dialyse coûte 80  000 € par an, jusqu’à la greffe ou la mort.
Une greffe coûte 80 000 €*, puis 20 000 €/an les années suivantes.
(Source Association Renaloo)

* + 13 600 à 20 600 € pour les étapes « préalables et périphériques » à la transplantation, dont prélèvement.

8 commentaires sur “Crise du Covid-19 et reins viables à la poubelle”

  1. Avatar photo

    Je compatis à votre triste constat.
    Je n’ai rien à ajouter si ce n’est que dans ce monde merveilleux de micron et de ce gouvernerrant et affidés la vie humaine ne compte pas.

    Elle est considérée comme une « ressource ».
    Et pourtant, toute personne décédée est considérée de par la loi comme donneur, sauf expression contraire de son vivant.
    Loi du 22/12/1976 et rappelée/précisée par la Loi du 26/01/2016.

    Oui, mais, et vous le subodorez/affirmez à juste titre, le monde merveilleux de notre petit banquier et de sa clique a pour seule doctrine et devise : business, le business.

    Peu importe les conséquences et le « confort », prise en charge, etc., etc., de ce qu’ils considèrent comme une simple ressource, qu’elle soit humaine ou pas n’entre pas dans leurs considérations.
    De toute façon, il nous l’a suffisamment dit : « Nous sommes des gens qui ne sont rien »

    Abject, mais bien réel.

    PS : Les morts du Covid — ou suspicion de Covid, donc dans le doute 90 % des cas, puisque l’arbitraire prédomine —, c’est mise en bière dans les deux heures, aucun contact, puis « enfouissement » ou « réduction en poussière ».
    Pas d’autopsie, ni études des causes, circulez y’a rien à voir.
    Cf. « État d’urgence sanitaire » que ces salauds… ont décidé.

    1. Avatar photo

      N’étaient normalement reportées que les opérations « ordinaires » qui pouvaient attendre à en croire ces fumiers de menteurs du « gouvernement ».
      À aucun moment je n’ai pensé que les greffes rénales étaient suspendues. Et je rappelle qu’il s’agit d’une défaillance d’un « organe vital ». Et, non, la dialyse n’est pas la solution.
      Je sais même que le passage en dialyse — une assistance artificielle — est considéré comme « l’échec de la néphrologie », enfin pour ceux qui ne veulent pas faire du fric avec les séances.
      Chaque dialyse (hors « péritonéale »), c’est 4 à 5 heures, une fois tous les 2 jours. Le dimanche, normalement il n’y en a pas. Et c’est dans la séquence « 3 jours » qu’il y a le plus de… décès !
      On est crevé avant, pendant, et après, c’est à dire presque tout le temps.
      Les dialysés qui ont bénéficié d’une greffe le disent tous : « Ils “revivent” ! »

      Alors, moi, ces comités « savants », je les mettrais bien sous dialyse, pendant qu’ils laissent passer des reins sains direction la poubelle.

      Comme vous le rappelez, oui, sauf opposition dûment formulée, tout le monde est considéré comme donneur, et c’est très bien ainsi.
      D’ailleurs, je m’étonne qu’il n’y ait qu’environ 3 600 transplantations rénales par an, et que ça ne progresse que très, très doucement.

      Sur 15 ans, un dialysé — s’il tient —, coûte/rapporte 1 200 000 €.
      Sur 15 ans, un « greffé », c’est 380 000 €.
      Rien que pour ça — sans parler de l’amélioration de la qualité de vie —, on devrait mettre les bouchées doubles.

      1. Avatar photo

        Bonjour Grinçant,

        Si vous avez besoin d’aide financière pour vous soigner, n’hésitez pas à faire appel sur votre blog.
        Je suis persuadé que bon nombre de vos lecteurs seraient prêts (moi y compris) à faire ce qu’il faut.

        Je vous souhaite beaucoup de force et de courage dans cette épreuve.

        Amitiés de Belgique et de Grèce.

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          Merci, c’est très gentil.
          J’ai envisagé de lancer une cagnotte ;-) — c’est très à la mode — Tipeee, mais elle serait raflée par le fisc et l’Urssaf.

          Ma problématique santé relève de l’ALD — Affection de longue durée — et elle est prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale, du moins tant qu’elle existe comme telle (en mode fortement dégradé).
          Mon traitement me semble « onéreux », sauf que c’est dérisoire au regard de ce que je coûterais en dialyse (ou greffé).
          S’accrocher est finalement plutôt « économique » pour le « Système ».

          Cependant, je ne suis pas certain qu’une telle opération rapporterait suffisamment. Par contre, si je lançais l’idée d’une « prime » pour m’abattre, je pense que ça ferait un sacré pactole.
          D’ailleurs, heureusement que les listes d’attente « Greffes » sont anonymisées.

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    C’est les joies du confinement. On parle de vies sauvées (les vieux ou malades qui ne sont pas morts du Covid-19) mais pas de ceux qui, eux, sont victimes du confinement (j’avais pas pensé aux greffes, je pensais plus aux personnes qui allaient devenir dépressives ou se suicider, car ruinées ou au chômage).

    Il faut reconnaitre que politiquement ça fait sens. Personne ou presque ne va reprocher à nos dirigeants les victimes du confinement alors que les morts du virus seront mis au débit du gouvernement.

    PS : Je pense qu’on aurait dû faire comme la Suède, ne pas confiner tout le monde.

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      Imaginez une greffe avec un donneur vivant — beau geste –, planifiée/préparée depuis longtemps, et qui a vu les deux opérations annulées/reportées. Il y a de quoi déprimer en plus.

      Oui, ça va être un carnage.
      Meilleure solution que le suicide : la révolte.

    2. Avatar photo

      @cdg
      « Il faut reconnaitre que politiquement ça fait sens. Personne ou presque ne va reprocher à nos dirigeants les victimes du confinement alors que les morts du virus seront mis au débit du gouvernement. »

      En êtes-vous sûr ?
      Je vous encourage à regarder ou consulter les avis de spécialistes (psychiatres, psychologues et sociologues) ainsi que les déclarations (et plaintes visant le gouvernerrant) montées par divers collectifs.

      Quant à votre propos : « On parle de vies sauvées (les vieux ou malades qui ne sont pas morts du Covid-19) »
      Je reste fort dubitatif.
      — D’abord parce que j’ai toujours en tête que « on » est un con, et que j’aimerais connaitre votre définition de vieux ou malades.
      — Par ailleurs, je tiens à vous préciser que nombre de personnes de moins de 50 ans, et même des très jeunes moins de 20 ans, ont subi le Covid qui entraîne des complications importantes dans leur vie quotidienne.

      D’ailleurs, en l’état actuel des recherches, notamment au sein de l’IHU de Marseille et de l’AP-HM dont je connais bien certains praticiens — entre autres —, il est noté et en cours d’études les conséquences de cette maladie sur le foie, les poumons, le système digestif, etc., etc.
      Alors, oui, ils sont en vie, mais dans quel état ?

      L’État est responsable des morts victimes du Covid mais également des conséquences directes et indirectes induites par ce gouvernerrant, dont celles que vous mentionnez.
      Raison pour laquelle des actions récursoires sont en train d’être montées/menées par des personnes mentionnées en supra.

      Dénoncer c’est bien, mais agir c’est mieux.
      Je le répète depuis le début dans de nombreux commentaires et @PF a même eu la gentillesse de les habiller de noir gras ;)

      1. Avatar photo

        @Flavien
        Du coup, vous m’avez fait sortir mon dictionnaire. ;-)

        « Action récursoire : qui permet, ouvre un recours contre quelqu’un »

        Le Pr Didier Raoult craint d’importantes séquelles pulmonaires — des fibroses —, y compris pour des personnes faiblement malades du Covid-19, voire asymptomatiques.
        Au passage, il souligne le nombre insuffisant de scanners « faible dose »* (“low-dose”) en France.
        Une carence de plus.

        * Au passage, matériel retoqué en 2016 par la HAS (Haute Autorité de Santé), qui l’a considéré comme « non pertinent » pour le dépistage du cancer du poumon.
        Il est certain que limiter les radiations n’est pas une priorité. j’ai d’ailleurs pu le vérifier moi-même avec tous les examens de ce type que j’ai dû subir récemment dont, carrément, un PET Scan.
        Précisons qu’en France, le seul cancer du poumon, c’est plus de 30 000 décès par an. Je dis ça, je dis rien.

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