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La vengeance du coloscope

Un tuyau de KarcherDu 10 au 17 juillet, hospitalisation pour un abcès de quatre centimètres dans l’abdomen.
La jeune et jolie gastro-entérologue qui s’occupe de moi se pointe dans ma chambre…
— Vous avez fait un parcours pré-greffe rénale ?
— Oui, en 2019, j’ai passé absolument tous les examens — avec succès —, sauf un, la coloscopie. J’ai négocié avec mon néphrologue de ne pas la faire, car la procédure a été mise en pause compte tenu de mon état (balance bénéfices-risques peu favorable), et je ne voulais pas de cette horreur.
— Eh bien, je vous annonce que vous avez gagné une coloscopie !
Elle avait un air narquois en me disant ça. Je devinais un grand sourire sous son masque.
— C’est marrant, je vous voyais venir !
Coloscopie planifiée pour le jeudi 10 septembre 2020.
Ça m’a laissé le temps de m’y préparer psychologiquement, d’éplucher le sujet sur Internet, et de compter les jours, puis les heures et enfin les minutes jusqu’au moment de l’humiliation suprême, de la torture, du sadisme le plus sophistiqué.
J’y allais à reculons, remarquez, il vaut mieux y aller dans ce sens-là, c’est plus logique.
En plus, pour la « préparation colique » — l’appareil digestif doit être « propre » —, j’avais le produit « le plus dégueu qui existe », dixit la gastro-entérologue, à savoir le Colopeg, à cause de ma pathologie rénale.

Colopeg
Quatre sachets, chacun devant être dilué dans un litre d’eau. À la pharmacie, on m’a donné le « pack » avec un air vraiment compatissant.
L’hôpital m’avait même fourni, outre un menu « sans résidus » pour la journée, une fiche explicative pour ingurgiter cette « préparation », à partir de la veille de l’intervention :

  • 19 à 20 h, un litre à boire
  • 20 h à 21 h, deuxième litre à boire
  • 21 h à 22 h, « pause »
  • 22 h à 23 h, troisième litre à boire
  • Le lendemain, au plus tard 2h30 avant l’examen, quatrième litre à boire

J’avais rempli de jolies bouteilles « Sodastream », mais sans y ajouter de CO2 — c’était vraiment préférable compte tenu de la suite — et tout mis au frigo dès le matin, pour que ce soit bien frais.
Et comme je m’étais préparé au pire question goût, ben je n’ai pas trouvé ça aussi infâme que prévu ! On dirait de l’eau de la mer Caspienne, salée à outrance.
Ma stratégie a été simple, plutôt que d’étaler chaque ingestion sur une heure, je me tapais chaque litre presque d’un coup au début de chaque « créneau ».
Et c’est là qu’il faut s’attendre à une sorte de tempête…
Dans ma « notice », il était marqué que cette préparation provoquait une ou plusieurs « chasse(s) » dans l’heure…
Ben, à mon avis ils ont oublié une voyelle à « chasse(s) » !…
Je vous conseille de réserver les toilettes, de ne pas vous éloigner de la cuvette des WC, et de mettre de la musique.
Ou si vous vous livrez à une occupation, ce qui était mon cas puisque j’écrivais un joli billet, soyez réactif pour décaler plus vite que les pompiers à la moindre sensation bizarre.
Cela m’a d’ailleurs permis de répondre à une question existentielle… PQ doux ou râpeux (le « recyclé », avec du vert sur l’emballage) ? Très vite, j’ai basculé sur le « doux/moelleux », car sinon vous en rajoutez dans votre calvaire. Bon, si vous avez une tendance au masochisme, autant aller jusqu’au bout et opter pour le plus écolo/destructeur.
On m’a posé la question d’un air vicelard : « Avez-vous passé une bonne nuit ? »
Ben oui, curieusement, à cause de mon « cadencement », j’ai plutôt bien géré la chose. Et à minuit je pionçais.
Par contre, pour le lendemain, j’avais prévu de la marge, debout à 5h40 du matin pour le quatrième litre, alors que je devais être à l’hôpital à seulement 10h30.
Comment s’y rendre sans « catastrophe » ? Transport en commun ? Taxi ? Voiture personnelle ? Avec l’angoisse permanente de la « chasse »
Moi, j’avais choisi d’y aller à pied, avec un sac de neuf kilos en bandoulière, comme pour un long séjour, autant prévoir le pire.
Et en fait, leurs « 2h30 » de marge, ben c’est tout juste, je vous conseille 3h00, c’était nickel pour moi.
Arrivé dans le service, j’entends dans une chambre : « Alors, cette préparation ? »
Et une femme répond d’une voix traumatisée : « C’était horrible, affreux ! »
Et encore, elle n’a certainement pas eu droit au fameux Colopeg…
Midi, on me descend au bloc, en « chasuble de papier », encore un truc ridicule probablement élaboré par un grand couturier.
L’infirmier anesthésiste me colle un masque transparent sur la figure et me fait une injection via mon cathéter sur la main.
Position latérale, mais pas de sécurité.
Le cul à l’air, offert à ma superbe gastro-entérologue (une brune).
La suite, je préfère ne pas savoir.
Sauf que, l’anesthésie générale, ben c’était pas vraiment ça.
Rapidement, j’avais les yeux ouverts, et je sentais comme des choses bizarres. Bon, en même temps, avec un coloscope dans le fion…
On m’a refait une autre injection, mais je suis quand même sorti les yeux ouverts, et placé en salle de réveil totalement… réveillé !
Plus tard, vers 16h00, la gastro-entérologue est venue me voir, ravie de son acte, dans ma chambre.
— C’était « propre » — tu m’étonnes ! — et je suis allée jusqu’à l’intestin grêle… Rien de particulier à signaler. Mais mieux vaudra en refaire une dans cinq ans.
Je n’ai même pas osé demander combien de mètres de cololoscope cela représentait.
J’ai simplement croisé les doigts pour qu’elle ait récupéré tout son matériel.
Bon, maintenant, j’ai une nouvelle histoire à raconter — c’est fait pour vous —, et je suis sûr que mon néphrologue va bien se marrer lors de ma prochaine consultation.

Vignette : « Non, ça n’est pas un coloscope, juste mon tuyau de Karcher, idéal pour s’entrainer chez soi. »

© PF/Grinçant.com (2020)

9 commentaires sur “La vengeance du coloscope”

  1. Avatar photo

    Finalement vous avez subi une véritable séance de torture… À ce niveau de « maltraitance » vous avez dû vous sentir comme un animal de laboratoire que l’on examine. Je vous souhaite de meilleurs moments !!!

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      Le genre d’examen curieusement très à la mode.
      Je trouverais sympathique/utile que le passer dans le cadre de leurs études soit obligatoire pour les praticiens.
      J’ai préféré en rire — et c’est ce que je conseille aux personnes qui doivent subir ça — pour mieux dédramatiser/assumer, mais on se sent gêné à bien des moments.
      J’ai au moins « bouclé » mon parcours pré-greffe, mais pour rien, sauf à savoir que je suis « nickel » sur tous les plans, hors reins.

      Lors du rendez-vous de pré-anesthésie, je suis tombé sur un gars qui disait pratiquer l’hypnose dans certains cas, pour cet examen. J’imagine l’ambiance dans la salle opératoire… :-/
      Ça se pratique aussi sans anesthésie, sur demande et dans certains établissements, mais là il faut être maso ou alors avoir des goûts bien particuliers. Mais il parait que lorsque l’on retire le coloscope, ça n’est pas désagréable/douloureux. ;-)

      Je n’aurais jamais cru finir par accepter ça.
      J’attends le compte-rendu écrit avec impatience. Et sur ce coup, je n’aurai pas d’images

      PS : Beaucoup de gens disent que le pire, ça n’est pas l’examen en lui-même (ils dorment, ou alors ce sont des sodomites), mais plutôt la « préparation ».

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    Ouffff, examen passé et « derrière » vous si je puis dire ainsi ! C’est vrai que ce n’est pas le top ,surtout lorsque vous arrivez dans la salle et qu’ils sont un certain nombre à être présents (vous les imaginez à scruter votre popotin dans la fameuse position latérale, mais bref, mieux vaut ne pas y penser).
    Tiens, moi aussi ma gastroentérologue est une brune et très sympathique.
    Puis j’ai eu 2 petits suppléments gratuits : ils ont fait faire la préparation en étant hospitalisée (ouf, en chambre seule), mais j’ai eu droit par le haut et le bas en même temps.
    Heureusement que nous sommes dans les bras de Morphée pendant ce temps, même si, comme vous, ce n’est que pour peu de temps. Ah cette Morphée, qu’est-ce qu’elle est attendue à certains moments et qu’il est un délice de se plonger dans ses bras (même « chimiques » certaines fois).
    Bien à vous.

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      Oui, vraiment un drôle d’examen.
      Pour moi, pas moins de quatre personnes dans la salle opératoire : la gastro-entérologue, l’infirmier anesthésiste, et deux autres « blouses blanches » (des femmes)…
      On se sent à peine gêné !

      Question « Morphée », je n’ai pas trop compris, car c’était à cheval entre l’anesthésie générale et la sédation. Ou alors ils ont raté leur coup, mais il est vrai que je suis assez « réfractaire », sans parler de l’incompatibilité avec ma pathologie.

      Pour ma part, hospitalisation 24 heures, ça n’a pas été fait en « ambulatoire ». Chambre individuelle aussi, heureusement.
      Et pour la « préparation », je préfère m’en occuper moi-même, à domicile.

      Globalement, c’est assez humiliant.

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    Le problème de l’anesthésiste, c’est que l’état psychologique du patient est le plus difficile à prévoir, surtout quand ce dernier veut paraître zen alors qu’il ne l’est pas.

    Dans tous les cas, c’est plus une « douleur » psychologique que physique, il est possible de s’y faire en s’entraînant chez soi avec un endoscope personnel ;).

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      Dans ce cas précis, ce serait plutôt un coloscope personnel.  ;-)

      Pour ce qui me concerne, je semble « réfractaire » aux anesthésies, en plus du danger que cela représente pour moi.
      Et en plus, j’avais prévenu lors de mon rendez-vous « pré-anesthésie ».
      Pour ma fistule artério-veineuse, au poignet gauche, on m’avait anesthésié un « bloc » tout en me prévenant que je ne pourrais probablement pas bouger la main/le bras avant le lendemain… J’ai vécu le dernier tiers de l’opération (dont les points de suture) littéralement à… vif tant l’anesthésie était insuffisante !
      À un moment, le chirurgien m’a dit « Vous pourriez arrêter de bouger le poignet ? », puis il a percuté en ajoutant « Vous sentez ce que je vous fais ? ». Eh oui, et même très bien !
      Je vous garantis que c’est une drôle d’expérience à vivre !:-/
      Tout ça pour une FAV qui est thrombosée/bouchée…

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    Bonjour,
    Je dois en passer une (en ambulatoire), et pour faire court et cru, je refuse de me faire sodomiser par un homme, donc je cherche une praticienne (pas facile quand on habite un bled de brousse à des dizaines de km d’un centre hospitalier).
    Plantons le décor : j’ai toujours eu le bon poids, jamais la bonne taille.
    Je suis, selon ces pleutres masqués, en obésité morbide alors que toutes mes analyses sont bonnes (à la limite certes). Je n’ai pas peur de cet examen (sauf des aiguilles limite bélénophobie)
    La préparation physique est aussi dégueulasse que de devoir siéger des heures (surtout que je suis hyper sensible de la zone anale).
    Quant à la préparation mentale, je fume grave du ciboulot, MAIS ne croyez surtout pas que je sois coincé : je pratique encore un peu le naturisme et cela me va très bien (seulement là, tout le monde est à poil).
    On m’explique que :
    • Je vais me retrouver dans un box (pièce mixte), et non pas une chambre (pas de coffre), donc quid de mon tél, papiers, etc.
    • Qu’il n’y a pas de toilettes, alors que faire en cas d’urgence ? Que mon gabarit ne me permet pas un essuyage ad hoc : j’utilise, en complément du papier ultra doux, une douche à jet pulsé pour un finissage parfait et en profondeur.
    • Que je dois me mettre nu et enfiler une blouse qui permettra de couvrir légèrement mon anatomie et que je traverserai donc les couloirs le cul à l’air.
    • Que je dois m’installer seul sur l’échafaud en position latérale gauche (je leur souhaite bien du courage pour manœuvrer le bestiau endormi).
    À mes interrogations, les réponses sont non seulement sibyllines, mais surtout évasives :
    • Je leur demande de ne pas me piquer dans la main : faut voir…
    • Je leur précise que j’étouffe couché sur le dos (je dors avec un masque à gaz), et que si l’anesthésie perdure je risque simplement la mort si je ne suis pas ventilé : on vous réveillera avant (donc colo à vif ???) !
    Avec tout cela, on se plaint des hommes qui refusent le toucher rectal (TR) et/ou la colo. Je suis tombé sur un rapport de 2017 intitulé « Résistances et malaises masculins face au toucher rectal », faut lire jusqu’au bout. ABJECT : le gars n’est pas du monde médical, mais a pu assister aux TR / interviewer des patients pour étayer son discours. Secret médical, pudeur, retenue ???… Et ça vient donner des leçons… Idem pour ces femmes qui ont subi à leur insu des « touchers vaginaux » pendant leur anesthésie au nom de la formation professionnelle des carabins… Autre débat ???!!!…
    Et pourtant, cela ne se passe pas toujours mal : mon frère a pu faire sa colo au Luxembourg :
    • La préparation initiale a été la même
    • Chambre individuelle avec coffre et toilettes + douche
    • On lui a demandé d’enfiler un slip papier bien opaque avec juste un trou pour passer le coloscope
    • On l’a déplacé en fauteuil
    • On l’a positionné sur le billard
    • On l’a « gasé » pour poser le cathéter (pour sédation très légère)
    • Une petite trentaine de minutes au bloc
    • Retour en chambre pour dégazer en toute sérénité, se laver, etc.
    • 3 heures plus tard, dehors avec un grand sourire, on est allé se faire un resto
    Pour l’instant, je reste dubitatif quant à la suite à donner… même si c’est une question de survie (antécédents familiaux).
    Merci.

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      Si c’est une « question de survie », il n’y a pas à tortiller du… cul !;-)

      Normalement, pour vous balader dans les couloirs, ils vous mettront un drap en papier, voire en tissu (le luxe).
      Il est vrai qu’avec une femme, il y a moins de chance qu’elle utilise autre chose que le coloscope, mais on se sent peut-être encore plus « gêné ».
      Vous pouvez toujours demander que ce soit fait par un robot, mais il a intérêt à être bien réglé.
      Pour l’anesthésie/sédation, vous avez l’anesthésiste qui vous surveille, et ça reste du « léger ».

      Pour ma part, j’ai dit que je n’avais personne pour me récupérer, alors j’ai eu droit à une nuitée en chambre individuelle, avec tout le confort, dont un placard pour mes effets personnels et une salle d’eau/toilettes.
      On m’a dit de renouveler l’examen dans cinq ans, mais je ne suis pas sûr d’y retourner avec le sourire, même si, pour ma part, ça a été le rêve par rapport à ce que vous décrivez.
      Le pire dans tout ça, c’est probablement la « préparation ». :-/

      1. Avatar photo

        Merci pour cette réponse.
        Pour enfoncer le clou : premier RV en juillet et colo possiblement en sept/oct… Vive la brousse !
        Je vais consulter le véto du coin… il sera plus rapide et tout aussi efficace…
        JJ MDR

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