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Otage

Pris en otage dans le métro.

Des dizaines de minutes dans des tunnels sordides.

Entassés comme des veaux dans des rames taguées.

Pris en otage dans les trains.

Par une manifestation d’agriculteurs, la voie est bloquée.

Par une grève des cheminots, tous les trains sont immobilisés.

Pris en otage dans les aéroports.

À regarder bêtement son avion cloué au sol.

Les aiguilleurs du ciel n’aiguillent plus pendant trois jours.

Pris en otage sur les routes.

Vingt kilomètres de bouchon pour entrer dans Paris.

Des milliers de véhicules au ralenti émettant leurs pets nauséabonds.

Pris en otage par la télé.

Des heures passées devant des émissions débiles.

Des heures passées à détruire ce qui a été appris la veille.

Pris en otage par la radio.

Des heures à écouter un animateur arriéré hurler devant son micro.

Des heures à écouter des auditeurs encore plus arriérés téléphoner en hurlant à leur animateur préféré.

Pris en otage par l’administration.

Des heures passées à remplir des déclarations.

Le stress de la discussion avec des fonctionnaires obtus.

Pris en otage par les politiques.

Des heures à subir des propos mielleux.

Des années à subir la crise qui n’est jamais de leur fait.

Pris en otage par son entourage.

Obligation de sourire, de paraître.

Surtout, ne pas communiquer son mal de vivre.

Pris en otage par les drogues.

Drogues dures, drogues douces, calmants, cigarettes, alcool…

Le mot d’ordre est d’oublier.

Toutes ces heures, toutes ces années, ne sont qu’initiation.

La prise de conscience est au bout du chemin.

De la mort, nous sommes tous les otages.

Et là, de libération il n’y a jamais.

© PF/Grinçant.com (Projections 1992-1993)

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