C’est un immeuble HLM, un collectif de treize étages.
Dans l’ascenseur, il y a les boutons RC, puis 1 à 13.
C’est bientôt l’hiver, et il va faire froid.
Pour améliorer le bilan CO2 communal et mieux répondre aux impératifs de la COP21, ainsi que pour faire des économies, le maire, également président de l’office HLM, exige des mesures drastiques.
Le directeur de l’office lui a donc proposé des solutions qu’il pense être à la hauteur des attentes, étudiées avec une équipe d’ingénieurs-thermiciens.
Les semaines paires, on chauffera les étages pairs. Et les semaines impaires, on chauffera les étages impairs.
S’ils ont trop froid, les habitants des étages impairs iront se faire héberger à l’étage pair, juste au-dessus, les semaines paires. Et, principe d’Égalité, les habitants des étages pairs iront habiter à l’étage impair, juste au-dessus, les semaines impaires.
Cela permettra aussi de répondre à la devise de Fraternité.
Quant à la devise de Liberté, tout le monde s’en fout, elle est devenue obsolète.
Mais il y a une exception, c’est pour le rez-de-chaussée. Lui, sera chauffé semaines paires ET impaires, hall compris. Il y a la loge de la gardienne, et le maire, comme le directeur de l’office, viennent se la farcir de temps en temps, droit de cuissage oblige, gardienne « de service ET de fonction », comme les véhicules qu’ils utilisent.
Mais le dernier étage se manifeste. Le treizième, impair, ne peut monter au quatorzième, étage pair, puisqu’il n’existe pas et qu’ils n’auront pas le droit de descendre.
Des ingénieurs proposent donc de construire un quatorzième étage. Après passage en commission, on retoque la proposition, puisque les semaines impaires, ceux du quatorzième devront aller habiter au quinzième, étage qui n’existe pas non plus.
Les habitants de l’immeuble font aussi remarquer par lettre recommandée que l’installation ne permet pas cette segmentation du chauffage, l’eau circulant en boucle depuis la chaudière, du sous-sol jusqu’au dernier étage, sans possibilité d’interruption entre étages, pairs ou impairs.
Le maire exige une solution à ce nouveau problème.
Arrangeant, le directeur de l’office propose d’installer une chaudière paire, et une autre impaire. Mais rapidement, son chauffeur lui souffle qu’il faudra doubler la tuyauterie.
Les services techniques du maire préconisent alors une solution similaire aux compteurs jaunes EDF, dits « intelligents », et répondants au joli nom de « Linky », que l’on pourra appeler « Linkeau ».
Il suffira d’en placer un, repeint en bleu, sur l’arrivée de chauffage de chaque appartement, pour pouvoir activer ou couper l’arrivée du fluide de chauffage.
Il est proposé d’installer la console de commande dans le bureau du directeur de l’office. Mais le maire exige cette prérogative. Finalement, on va couper la poire en deux, le maire aura la commande pour les semaines impaires, et le directeur de l’office HLM celle pour les semaines paires.
Les habitants de l’immeuble, résignés, font remarquer que si l’un des deux pontes oublie de manœuvrer le dimanche à minuit, soit il n’y aura plus de chauffage du tout, soit il y en aura pour tout le monde.
Les édiles se disent que le risque que tout le monde ait du chauffage est totalement inacceptable, principe d’Égalité républicaine oblige. Ils soumettent donc le problème au Préfet.
Après avoir consulté les services secrets français et étrangers « alliés », le préfet estime que le problème est trop compliqué, et que son « contrôle de la Légalité » sera vite dépassé.
Réunis en grosse commission, la petite étant insuffisante, le préfet, le maire, et le directeur de l’office HLM, accompagnés de l’ensemble de leurs conseillers, se réunissent au palais des congrès du coin, qui est la seule salle à offrir deux mille places.
Il est alors décidé, et entériné, foi d’élites et d’édiles, de simplifier le problème.
Les habitants impairs seront expulsés les semaines impaires. Des tentes Queshua, non chauffées mais fournies gracieusement par la ville en association avec la Fondation Decathlon, seront mises à leur disposition sur la place du quartier.
Les semaines paires, les habitants pairs seront expulsés et priés d’occuper les tentes libérées par les habitants impairs qui rejoindront leurs appartements pour leurs semaines impaires.
Pour veiller à la Sécurité républicaine, treize compagnies de CRS seront dépêchées. Les compagnies numérotées d’un chiffre impair s’occuperont des semaines paires, celles numérotées pair seront chargées des semaines impaires, et ce 24/7.
La solution semble équitable pour tout le monde, même si les loyers, tout comme le chauffage, devront continuer à être payés intégralement par les locataires.
Le maire et le directeur de l’office pourront toujours aller se taper la gardienne au rez-de-chaussée, car la loge sera chauffée en permanence, comme tout l’immeuble d’ailleurs.
Une nouvelle ZAD naîtra en France, et l’hiver peut bien arriver en toute sérénité pour la population de cet immeuble, tout étant soigneusement et intelligemment préparé !
Et comme il ne s’agit que d’une expérimentation, si l’hiver est passé avec succès, le principe sera étendu à l’ensemble des HLM de la commune, voire de France…
Vignette : « Étage 13, impair et perd » © PF/Grinçant.com (2016)
© PF/Grinçant.com (2016)
En rapport, une (grosse) brève du lendemain : « NDDL : ce week-end, hommage aux roitelets dictatoriaux »
Bonjour !
Je vois ; votre précédent billet vous a inspiré ! :-)
Quand ça trotte dans la tête…
Et ça pourrait presque être véridique ;-)
PS : Je n’ai pas mis de « Billets en rapport », car ils seraient trop nombreux, et le choix est difficile.
Finalement si, il y a une « brève » du jour en rapport ;-)
Pour plus d’économies, il serait même préférable de chauffer l’étage qui correspond au mois de l’année.
Ceux du 13ème récupèrent la chaleur des étages en dessous, étant donné que la chaleur monte. Puis ils n’ont qu’à stocker la chaleur de l’été, ce n’est pas ce qui doit manquer au 13ème.
Pour la gardienne, sa loge transférée au sous-sol avec une caméra pour surveiller l’entrée. On sait tous que les tournantes ont lieu dans les caves.
Ces mêmes élites/édiles vont aussi passer l’année civile à 16 mois, puisque, dans un quartier voisin, ils veulent appliquer cette technique sur une tour HLM de… 17 étages ;-)
À terme, le nombre de mois d’une année sera différent en fonction des offices HLM et de la constitution leur parc immobilier. Les petites maisons de plain-pied auront un seul mois de 365 jours…
Si vous voulez tout savoir, j’ai regardé un peu Juppé, hier soir sur France 2, et voilà le résultat le lendemain, après une nuit avec un cerveau qui travaille à essayer de comprendre ces politiques cyniques et obscènes. Et comme il y a encore pire que lui :-/
Moi, je m’en fous, comme des millions de Français, je n’ai pas les moyens de me chauffer, c’est beaucoup trop cher. À moins de supprimer la connexion internet et de ne manger qu’une soupe au pain par jour.
C’est le monde des maléficiaires de l’AAH, celui dont tout le monde se fout comme de l’an quarante. Vous avez vu un seul programme se proposant d’augmenter substantiellement les revenus des handicapés, comme il se peut et comme il se doit sous un gouvernement « de gauche » ? Non, on préfère claquer des milliards d’euros dans les partenariats public (qui paye) et privé (qui encaisse). Mais on préfère laisser les pauvres au bon vouloir de la charité, qui est le contraire de la justice, et engraisser ceux qui croulent déjà sous le superflu. Pauvre, gèle-toi chez toi, quand tu as encore un domicile malgré les efforts des socio-collabos pour faire de toi un clodo – intérêt supérieur des patrons et des bourgeois ! –, aie froid, mais n’oublie pas de t’abstenir de participer aux guignolades électorales, ces compétitions de bourgeois qui se veulent calife à la place du calife. Laisse-ça aux abrutis : il n’y a pas plus con qu’un électeur. Sinon deux électeurs.
Polairement vôtre.
C’est bien ce que je dénonce à travers ce genre d’allégorie-fable-histoire, ainsi que dans d’autres billets.
Plus que jamais, la « pauvreté » est un moyen de pression, tant sur les « pauvres » que sur ceux qui ne le sont pas (encore).
Et cela encourage la lâcheté, l’individualisme, les comportements antisociaux et la prédation.
Sauf que l’on ne stigmatise que les… « pauvres ».
Quant aux « PPP », j’en parlais dans ce commentaire au sujet de la prestation de Christian Estrosi dans le dernier Cash Investigation. De tels individus donnent vraiment la gerbe, et je ne parle pas de fleurs.
Au fait, avez-vous déjà vu ma page “404”, celle qui s’affiche quand l’adresse demandée n’existe pas et que vous êtes à la rue ?;-)
PS : Le « PF.4 », en haut à gauche, est un pur hasard, mais plutôt bienvenu pour ce blog :-)