Aller au contenu

Crime ou délit dans un centre commercial

Logo Leclerc sur un centre commercialRendez-vous dans un centre commercial.
Nouveau pour moi.
L’occasion de le découvrir.
Avec son hyper et sa quarantaine de magasins.
Pardon, de « cellules commerciales »…
Et, tant qu’à faire, toujours les mêmes enseignes.

Il fait chaud, il fait lourd.
La pollution, le soleil sur le bitume du parking.
Ça doit être pire dans l’« aérien » de six cents places.
Là, devant, il y a la cafétéria.
Plutôt crever que d’y entrer pour boire un coup !
Maintenant, je boycotte…

En hauteur, le toit du centre, avec un auvent.
Un joli rouge, bien agressif.
Pas loin, des vigiles qui clopent à l’extérieur.
Et tout en haut, dans l’angle, bien discrète…
Une caméra « dôme » à 360 degrés.
Pour espionner avant même d’entrer.

Caméra-dôme accrochée à l'auvent du centre commercial
Et celle-là, elle est autorisée ? Elle est signalée ? Elle fonctionne ?

Où est le panneau « vous êtes filmé » ?
Bien sûr qu’il n’y en a pas.
C’est devenu quotidien, permanent, ce flicage.
Suspect, le client, forcément.
On doit pouvoir le tracer, le décrypter.
Derrière leurs écrans, il y en a qui matent…

En avance, je suis.
Donc, j’ai du temps à perdre.
Autant entrer pour profiter de la climatisation.
Et déambuler dans ces allées glauques de marchands.
Sans rien acheter.
D’ailleurs, pas la moindre envie de consommer.

Et là, comme souvent, envie de photographier.
Avec un appareil plutôt discret.
Oh, rien de méchant, ça me fera un souvenir !
D’autant que c’est gratuit.
Et ça, ça doit les emmerder !
Ce qui est gratuit, la liberté.

En face, une allée.
Photo de la verrière !
L’arrivée de la lumière naturelle.
Puis j’avance, direction l’espace « Médias ».
Et là, un bonhomme en uniforme me fait signe.
Petit, l’individu, derrière un pupitre, au milieu de l’allée.

– Monsieur, vous photographiez !
– Oui, et alors ?
– Vous n’avez pas le droit !
– Ah bon ? Et vous avez vu ce que je photographiais ?
– Oui, mais c’est interdit !
– Vous plaisantez ? Regardez !

Sur le petit écran, je rappelle la dernière photo.

Vue de l'intérieur, la verrière d'une allée du centre commercial
Photo interdite… Crime ou délit ?

Et lui montre l’objet de mon interpellation…

– Vous avez vu ? C’est le plafond !
– Oui, c’est pour cela que je ne vous demande pas de l’effacer !
– Il ne manquerait plus que ça !
– Je ne suis qu’un prestataire… C’est un ordre du Directeur !
– Mais c’est public, ici !
– Non, c’est un espace privé ouvert au public !

Il se tortille derrière son pupitre.
Et me montre la broderie sur sa poche de chemise.
Le nom de son employeur, le « prestataire ».
Dommage qu’il n’ait pas de galons.
Et encore moins de Taser.
Pauvre petit bouchon !

Dans ce cas, pourquoi ouvrir au public ?
C’est pas le public qui est interdit, mais de photographier !
OK, mais dans ce cas, ça doit être mentionné à l’entrée !
Mais ça l’est, enfin je pense !
Ah, vous pensez, ben non, ça ne l’est pas !
Si, je pense !

Comme il a interdiction absolue de bouger pour une telle vérification…
Impossible de lui faire vérifier son gros mensonge.
Pendant ce temps, des vols doivent se commettre.
Et je le sens de plus en plus mal à l’aise.
Ce petit esclave imbu d’autorité.
Qui croit avoir du pouvoir.

Mais je ne lui en veux pas.
C’est le système, et il faut bien croûter.
D’autant qu’il doit bien s’emmerder.
À risquer qu’un molosse le tape.
Pas grave, je m’en vais, dûment filmé.
Mais avec l’interdiction de photographier !

Pauvre petit bonhomme !
Puisque c’est interdit, je vous le montre ;-)

Au loin, dans l'allée, le vigile et son pupitre
Drôle de vie ! Celle-là, il ne m’a pas vu la faire ;-)

 

Crédit photos : © PF/Grinçant.com (2015)
Vignette : « Une enseigne dure à photographier » © PF/Grinçant.com (2014-2015)

© PF/Grinçant.com (2015)

Billets en rapport :


Addenda de 20h50 :

La signalétique à l'entrée d'un grand centre commercial avec hypermarché Leclerc
Interdictions à l’entrée d’un autre centre commercial de la métropole,
avec un hypermarché de la même enseigne…

Il n’y a pas photo, la photographie n’est clairement pas interdite ;-)
Voir ce commentaire en complément.


 

13 commentaires sur “Crime ou délit dans un centre commercial”

  1. Avatar photo

    J’ai poussé un peu ma curiosité sur le sujet, une bonne piste :
    Prendre des photos en magasins: ce que dit la loi (LSA-Conso.fr, 24/05/2014)

    J’ai croisé avec d’autres interventions de bon niveau, je retiens :
    – oui, le supermarché, et ses galeries, sont une propriété privée, avec un règlement privé,
    – même pas obligé de l’afficher,
    – nous les clients sommes juste invités dans cet espace privé, donc pas de comportements contraires au règlement, la photo par exemple.

    À retenir :
    – venez consommer, bien plus que prévu si possible, foncez sur mes promotions foireuses, profitez de mes erreurs de marquages, involontaires bien sûr, toujours dans le même sens, prenez de l’inutile, pas grave, la caisse est là pour vous accueillir.
    – nous avons, pour votre plus grand bien, les plus grands rayons de l’agroalimentaire avec les produits les plus pauvres en nutriments essentiels, mais les plus riches en additifs peu recommandables, les pris invariants grâce aux quantités revues à la baisse, remerciez-nous c’est moins lourd à porter, des préparations remplies d’eau, ou d’air au bon prix, celui de la matière première.
    – le tout avec du suremballage, pas grave, c’est vous qui paierez la collecte, et serez responsable de la pollution de notre planète.
    – mon profit est la seule valeur qui compte ici chez moi, enfin, chez mes actionnaires.
    – gagnez du temps, avec mes drive, je choisis encore mieux ce que je vous fourgue, et là y a pas photo, même celles de Grinçant.
    – et puis, arrêtez de m’agacer sinon je supprime tous les emplois de mes esclaves, etc.

    Bon, c’est juste pour cette propriété-là que ça le fait, celle des riches, cotés en bourse ou pas, parce que pour le bétail, nous par exemple, big brother se promène dans nos clouds, nos mobiles, nos comptes, etc.

    Tout va bien !

    1. Avatar photo

      Zut, vous allez me faire condamner à l’occasion de votre retour ici ;-)

      J’avais déjà vu ce texte écrit par des professionnels du Droit lors de mon billet du 08/12/2014.
      Et j’attire votre attention sur le fait qu’il est justement écrit :

      « En effet, il est possible pour le distributeur d’interdire toute prise de photographies dans l’enceinte de ses magasins dans la mesure où ce sont des lieux privés. Cette interdiction doit toutefois être portée clairement à l’attention du public, par exemple à l’entrée des locaux. »

      Par ailleurs, il s’agit-là d’un centre commercial (l’hyper n’en constituant qu’une partie), qui plus est des parties communes. Je me sens donc plus à l’aise encore sur le sujet !
      Cela dit, merci pour la recherche ;-)

      Entièrement d’accord sur vos développements.
      Ce billet est tranchant sous des airs légers, car il fait allusion à plein de choses !

      Mais je souligne ma petite « saillie » :
      « Pas grave, je m’en vais, dûment filmé. Mais avec l’interdiction de photographier ! »
      Drôle de paradoxe !

      Oui, tout va bien !

      1. Avatar photo

        Du coup, je reviens d’un autre centre commercial, plus grand, mais avec un hyper de la même enseigne.

        J’ai ajouté la photo de la signalétique de l’une des principales entrées (5) en addenda.

        – Interdit de fumer.
        – Chiens interdits.
        – Pas plus de deux chariots dans le tourniquet.

        Ni mention, ni pictogramme de ce type, qui existe pourtant (comme le chien barré) :
        Pictogramme

        Donc, c’est autorisé, le reste est une vaste hypocrisie.
        Il est d’ailleurs surprenant qu’il n’y ait pas de jurisprudence en la matière.
        Et que ce ne soit pas « cadré » à l’heure de la loi « Renseignement » et des « événements » opportunistes.

      2. Avatar photo

        C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui. Faisant une formation dans la vente j’ai voulu prendre des photos et vidéos d’une galerie marchande afin de mettre en image mon étude sur ce magasin. Je n’ai pas vu d’écriteau interdisant les photos. Résultat 6 vigiles m’ont interpellé, fouillé et viré de la galerie marchande sous peine de ne pas porter plainte. C’est GERIC à Thionville. Dégoûté, ma formatrice m’a grondé et je n’ose imaginer demain. A mon goût il y a délit de faciès ! Et je ne compte pas en rester là.

        1. Avatar photo

          Eh ben, qu’est-ce que ça aurait été si vous aviez un chariot rempli de gros achats : interdiction de dépenser aussi, peut-être ?;-)
          Bien sûr, j’imagine qu’il n’y avait pas de pictogramme interdisant de photographier sur les portes d’accès au centre, et encore moins de règlement intérieur en évidence…
          Les vigiles n’ont pas le droit de vous fouiller, c’est du ressort de la police.
          Porter plainte en plus ? À quel titre ? Espionnage ?
          Bref, drôle d’aventure tout à fait anormale !

          PS : C’est un simple appareil photo (discret) que vous aviez, ou alors un truc genre bazooka ?

            1. Avatar photo

              Alors oui, vous avez vraiment eu un traitement « de faveur »…*
              Ou alors, sans le savoir, vous avez photographié quelque chose qu’il ne fallait absolument pas photographier.*

              Dans un tel contexte, il faut refuser la fouille et les laisser appeler la police, et c’est vous qui déposez plainte.

              Dans des situations encore plus tendues, et si vos photos sont sur une carte mémoire, vous pouvez les effacer devant eux, pour apaiser, puis les récupérer ensuite avec un logiciel spécial ;-)
              Par contre, ne pas refaire de photo(s) entre ces deux étapes, ou alors changer immédiatement de carte mémoire, d’où l’intérêt d’en avoir toujours au moins une de rechange avec soi (c’est plus pour les vrais APN).

              *Cela dit, il semble que vous ayez voulu faire une sorte de « reportage » photo/vidéo, et là c’est nettement plus ambigu/discutable, et il est nettement préférable de demander une autorisation (écrite) à la direction du centre. En effet, un centre commercial est un espace privé ouvert au public (ERP, établissements recevant du public), et de nombreuses règles, publiques comme privées, s’appliquent (idem pour chaque cellule qui le compose, un magasin peut refuser, et un autre accepter). Tout dépend de la façon dont vous le faites (discrètement ou pas), de ce que vous filmez/photographiez (un pot de yaourt, des visages, des issues de secours) et également de l’usage que vous faites ensuite de vos photos et vidéos.
              En période Vigipirate et/ou d’état d’urgence, ils peuvent aussi arguer du fait que vous filmez pour préparer un mauvais coup…
              Donc, là, un peu plus de prudence, de discernement et de préparation s’imposaient.
              Considérez que cela entre dans le cadre de votre… formation ;-)

  2. Avatar photo

    Je viens de découvrir ce jour cette problématique, alors que je prenais innocemment des photos de ma fille devant une jolie vitrine d’un centre commercial tout juste ouvert… Centre quasi vide qui servait seulement d’accès à un ciné ! Un vigile s’est approché de moi et m’a signalé que ce centre, comme beaucoup d’autres, était interdit à toute photographie. Je suis tombée des nues, que je photographiais pourtant… On entend beaucoup de phrases surréalistes, mais celle-ci m’a vraiment semblé hors cadre pour un espace ouvert au public… Heureusement, le vigile n’a pas insisté et est rapidement parti. Evidemment, pas de pictogramme à l’entrée ! Après vérification, il semblerait que cette interdiction soit réelle, mais encore faut-il en être informé !

    1. Avatar photo

      L’interdiction peut en effet être réelle, mais à condition (et encore) d’être dûment motivée et notifiée (comme dans certains musées par exemple), ce qui n’est quasiment jamais le cas à l’entrée des centres commerciaux.
      De plus, le « règlement intérieur » n’est que rarement accessible.
      Nous pourrions donc considérer qu’il est aussi interdit d’acheter ;-)

      Il en va également de la simple jugeote : photographier votre fille dans un centre commercial, ça n’est pas photographier le centre commercial !
      Idem pour des photos de produits, voire de rayons.
      Bref, c’est le plus souvent totalement abusif.

  3. Avatar photo

    La Cour de cassation est assez claire sur ce qu’est un lieu public (ici privé recevant du public).

    Constituent traditionnellement des lieux ouverts au public les lieux dont l’accès est libre (plages, jardins, promenades publiques…) ainsi que les lieux dont l’accès est possible, même sous condition, dans la mesure où toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition (paiement d’une place de cinéma ou de théâtre par exemple). Les commerces (cafés, restaurants, magasins), les établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en commun sont ainsi des espaces publics. Une piscine municipale est un lieu public, les lieux de compétitions sportives ouverts au public également. La jurisprudence judiciaire considère que le lieu privé doit être conçu comme un endroit qui n’est ouvert à personne, sauf autorisation de celui qui l’occupe d’une manière permanente ou temporaire (CA Besançon, 5 janvier 1978).

    1. Avatar photo

      Merci.
      Vu sous cet angle, c’est en effet clair et non discutable, et cela va dans le sens de mon billet.
      Concernant l’espace « public », nous sommes de plus en plus dans l’appropriation et l’abus (de droit). Même des musées sortent du cadre légal, alors les « temples de la consommation » qui — eux — vous filment/traquent sans vergogne, pensez donc.
      Donc, un arrêt de Cour de cassation que tout photographe devrait avoir dans sa poche/sacoche. :¬)

  4. Avatar photo

    Au mois de décembre, souvent il y a un « père Noël » qui se fait photographier avec des enfants dans les centres commerciaux par un photographe (accrédité ?)… Est-ce pour attirer les enfants et les parents en tant que consommateurs ou comme espions/futurs terroristes pour passer à l’action ?
    Si ce sont des ressortissants chinois en vacances qui arborent des appareils photo en bandoulière, va-t-on leur interdire l’accès ?
    Trop de textes tuent les textes et ne servent plus à rien, sinon à perdre/égarer la simple logique…
    Et puis, dans les vigiles comme dans les directeurs des supermarchés et autres personnels ayant une charge de prévention/sécurité, tous n’ont pas inventé le fil à couper le beurre, n’est-ce pas ?

    « Le beurre, en France, est étroitement associé à la fortune (“Il a mis du beurre sur son pain”, quand ce n’est pas “dans ses épinards”… “Vous n’aurez pas plus de dividendes avec ça que de beurre en broche !…” “Au prix où est le beurre !”, etc.). »
    Pierre Daninos (1913-2005), Un certain Monsieur Blot, p. 252.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *