Déchets ménagers, quand trop de tri tue le tri

Trinidad a 80 ans.
Elle habite dans une grande « résidence collective », avec un local dédié aux ordures ménagères, et s’est habituée à trier ses « déchets ».
Les prospectus, cartons et autres emballages en plastique « recyclable », elle les mettait dans un sac jaune.
Elle avait même pris l’habitude d’écraser les bouteilles en « PET » malgré son arthrose aux mains.
Le reste allait dans un sac-poubelle « normal », gris…
Deux fois par semaine, elle descendait au local pour déposer son sac jaune dans une grande poubelle au couvercle jaune, et son sac gris dans une au couvercle vert.

Puis des poubelles au couvercle bleu sont apparues.
On lui a demandé de mettre ses journaux et prospectus à part, et de les jeter dans ces poubelles spéciales.
Elle s’est donc mise à descendre avec son sac jaune, son sac gris, et son lot « papier » sous le bras qu’elle jetait dans une poubelle bleue.

Est apparue une poubelle en bois, et on lui a demandé de trier ses « bouchons ».
Elle ne pouvait donc plus vraiment écraser ses bouteilles en plastique, ne pouvant y maintenir le vide tout en jetant séparément de quoi les refermer.
Une fois par semaine, elle descendait donc avec sa petite poche de bouchons, les glissant un à un par la fente du réceptacle en bois fermé par un cadenas.

Puis le couvercle bleu des poubelles « papiers » a été verrouillé, obligeant à tout glisser par la fente.
Les gros catalogues ne passent plus, et c’est la galère aussi pour les grands prospectus.

Fin 2016, une notice de la Ville a été distribuée dans la boîte aux lettres de Trinidad lui ordonnant dorénavant de trier aussi les pots de yaourt, les tubes de dentifrice, les emballages plastiques, les plaquettes de ses nombreux médicaments, et de les mettre dans son sac jaune.
Le sac jaune se gonfle, alors que le sac gris se dégonfle, et la pile « papier » est à côté, dans sa buanderie.

Un jour de février 2017, on vient sonner à la porte de Trinidad.
Par chance, elle entend grâce à son appareil auditif. Péniblement, car ses rhumatismes lui font de plus en plus mal, elle va ouvrir.
Une femme lui annonce que c’est pour le « Tri sélectif » (comme si trier n’était pas sélectif) en lui tendand deux sacs « tissés » joliment décorés avec des symboles et logos.
L’un lui permettra de descendre au local tout ce qui est « papier »… Mais pourquoi ne pas le lui avoir donné avant ? Ah, ben, c’est comme ça !
L’autre, c’est pour tout ce qui allait dans les sacs jaunes, qu’il ne faut plus utiliser à partir de maintenant… Mais comme sa contenance est réduite par rapport aux sacs habituels, il faudra descendre plus souvent au local pour le vider en le déversant dans un conteneur au couvercle jaune.

Ah oui, on précise aussi à Trinidad qu’à partir du mois prochain, les couvercles des poubelles jaunes seront verrouillés, comme celui des bleues, et qu’il faudra passer chaque déchet, un à un, par un opercule fait pour.
Tinidad en profite pour signaler que les deux portes pour accéder au local sont trop « lourdes » à ouvrir pour elle. La réponse est que ça ne relève pas du « syndicat » chargé du tri et qu’il faut qu’elle se débrouille, avec sa jeune voisine par exemple (elles se détestent, conflit des générations).

Bientôt, Tinidad ne sortira plus de chez elle, elle vivra à la « Diogène » (le syndrome), jusqu’au jour où on la retrouvera morte dans son dépotoir, car le « tri » l’aura tuée.
Comble du cynisme, tout se faisant maintenant sans concession(s), et avec toujours plus de taxes,  dans cette agglomération, Trinidad sera ensuite jetée… à la fosse commune* !

PS : Cette « histoire » est (presque) (totalement) véridique… ;-)

*Maintenant dénommée « Carré des indigent(e)s ».

Vignette : « Le bleu, c’est pour les papiers, façon boîte aux lettres » © PF/Grinçant.com (2017)

© PF/Grinçant.com (2017)

Billet directement en rapport : Tri sélectif, Éco-Emballages, conteneur et PET