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Le joyeux Noël de Titine, reine d’un soir

Fin 2016, Titine, c’est son affectueux diminutif, crie sur tous les toits qu’elle a touché une grosse somme d’argent, qu’elle va changer, et qu’elle va faire le bien autour d’elle.

Pour le réveillon de Noël elle a voulu acheter toutes les victuailles : cette année, c’est la reine qui régale !

Elle a invité neuf personnes dans l’appartement de l’une de ses copines qui vient de décéder d’un AVC, mais dont elle a les clefs. Elle lui aurait dit, bien avant le tragique événement : « Titine, tu peux faire ce que tu veux chez moi, même si je suis absente »

Le réveillon de Noël touche à sa fin un peu sur la faim, car c’était finalement frugal, et l’alcool était un peu frelaté, tout comme l’ambiance d’ailleurs.

Puis arrive le moment normalement heureux des cadeaux.

Réunion autour d’un sapin en plastique, de marque française, mais fabriqué en Chine, qui lui a été vendu sans pied ni câble électrique, probablement pour que les fibres optiques intégrées ne puissent rien illuminer et encore moins scintiller. Un ami, appelé à la rescousse, a même dû bricoler à ses frais un socle improvisé pour qu’il puisse tenir debout et qu’elle ait le voluptueux plaisir d’y accrocher quelques décorations achetées à Monoprix alors qu’il y en avait plein dans les placards de la malheureuse décédée.

Minuit vient de passer, le petit comité doit maintenant se livrer au rituel des cadeaux et découvrir ce qui leur a été réservé.

Ceux faits par Titine sont bien reconnaissables, car l’emballage est clinquant, avec du papier doré acheté au kilomètre.

  • Babette, supposée diabétique, découvre trois boîtes : une de marrons glacés, une de rochers Ferrero de l’ambassadrice, et un bocal de sucre parfumé à la réglisse.

  • Josette, qui risque d’être expulsée de son domicile à la fin de la trêve hivernale pour une dette de loyer, déballe un épais manteau en peau de ragondin, avec boutons dorés.

  • Robert, ancien alcoolique qui se retient pour ne pas replonger, et qui est resté à l’eau en cette curieuse soirée, a droit à trois bouteilles : une de whisky irlandais, une de vodka russe, et une autre de gin.

  • Paulette, une collègue de travail qui aime bien écouter aux portes, sort d’une grande boîte un petit dictaphone pour enregistrer les conversations, tant privées que professionnelles.

  • Charlotte, adepte des mauvaises ondes, qui a le mal de mer et des airs, sort d’une enveloppe un billet pour une croisière à bord d’un paquebot Costa, avec liaison par avion.

  • Claude, dont la voiture est en ruine et à deux doigts de la panne définitive, doit hurler de bonheur devant une trottinette pliante.

  • Patrick, un type bourré aux as qui vit à l’ancienne dans une grande demeure et qui avait accueilli Titine récemment, en tout bien tout honneur le temps d’un week-end, ouvre un ballotin rempli de gros billets en euros, pliés en quatre. En fait, il s’agit d’une partie de ceux qu’elle lui avait piqués dans la soupière qui lui sert de réserve.

  • François, un mec impuissant tellement ses artères sont bourrées de graisses, saturées et insaturées, et qui a arrêté le sexe depuis bien longtemps, se retrouve avec une dizaine de boîtes de soi-disant Viagra, mais les pilules sont bien bleues, achetées sur Internet, sur un site domicilié en Chine.

  • Anne-Marie, lesbienne refoulée et en manque, doit se pâmer devant son ravissant cadeau, un quadruple godemichet, pilotable à distance par iPhone exclusivement, un peu comme un drone.

Quant à Titine, elle attend la fin pour ouvrir tout ce qui lui a été offert, honnêtement et sincèrement, et, en dernier, elle déballe le cadeau qu’elle s’est égocentriquement fait : un clinquant miroir de poche en or massif à faire blêmir un émir du Qatar.

Titine fait maintenant la gueule, on ne sait pourquoi, et elle devient si infecte que tout le monde décide de partir précipitamment.

En fait, Titine pense déjà à son travail de fonctionnaire bien plan-plan, elle bosse dans un gros service social et parle des « usagers » dans la misère comme s’il s’agissait de merdes, jouissant au passage d’en dénoncer certains pour des « contrôles » CAF bien pourris. Et elle a hâte d’y retourner…

Mais, c’est promis, elle doit aussi changer, en bien, pour 2017…

Note juridique : Ceci est une nouvelle littéraire de gare en période de grève… Toute ressemblance avec des personnes connues ou inconnues ne peut être que fortuite. Les situations ne sont que pures projections, voire inventions. Un procès n’est donc pas nécessaire, et serait donc voué à l’échec, d’autant que ce billet est un “double H”, car tagué « Humour » et placé dans la catégorie « Histoires ».

Vignette : « Une ambiance et des cadeaux à mettre le feu » © PF/Grinçant.com (2016-2017)

© PF/Grinçant.com (2017)

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