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Vous êtes le moteur de ce qui vous arrive…

Vous êtes le moteur de ce qui vous arrive...Pedro ressasse cette phrase qu’il a de la peine à comprendre.
C’est un psychologue qui la lui a dite.
Au lieu de le soulager, ça le hante, comme un mantra maléfique.

Déjà, ses parents le lui ont souvent répété…
« On ne t’a pas désiré, tu es arrivé par accident »

Dès sa naissance, il y a eu cet accident, lorsqu’il est tombé sur le carrelage, tout bébé.
Une infirmière alcoolisée, dans une maternité mal encadrée, n’a jamais voulu reconnaître sa faute.

Puis on l’a placé dans une famille d’accueil.
Il n’a pas eu le choix, c’était comme ça.
Pas brillante la famille, elle faisait cela uniquement pour les allocations familiales.

On l’a inscrit dans une école pour cancres.
Puis on l’a mal orienté.

Il a quand même essayé de ramer contre le courant.
Et il l’a obtenu, son diplôme d’ingénieur agroalimentaire.

De fil en aiguille, il l’a construite, sa petite vie.
Près de Saint-Jacques, celui de Compostelle.

Petite maison, vie simple.
Avec sa compagne, Angela.

Elle n’arrivait pas à trouver un boulot, mais son salaire à lui permettait d’y arriver.
Plutôt correctement d’ailleurs.

Puis la crise économique s’est amplifiée.

Rajoy, le président du gouvernement, a dit que ce n’était pas de sa faute.
Que c’était la « Troïka », la Communauté européenne qui lui imposaient ces mesures.

Augmentation du chômage, dramatique chez les jeunes.
Augmentation des suicides, à un point que l’on préfère cacher.

Et lui, employé modèle, il a été convoqué, comme tous les autres.
La multinationale qui l’employait a fermé son usine, comme ça, brutalement.
Il s’est retrouvé sur le carreau.

Il n’a plus pu honorer ses échéances.
On lui a coupé l’eau, l’électricité.

Puis la banque a saisi sa maison.
Il lui restait 20 ans à payer pour être vraiment propriétaire…
Mais ici, en Espagne, vous devez continuer à rembourser.

Bien sûr, Angela l’a quitté.
Elle est retournée vivre chez ses parents, à huit dans un trois-pièces.

C’est là qu’il est allé consulter.
Il commençait à se remettre en cause.

Et ce psychologue a enfoncé le clou…
« Vous êtes le moteur de ce qui vous arrive »

Alors il a essayé de se reprendre.

Il avait rendez-vous à Madrid, pour un emploi.
Réel ou pas, l’emploi, il finit par en douter, mais il y va.
Entretien bâclé en 45 minutes.

Puis il prend ce train Alvia 4155, ce 24 juillet 2013, pour rentrer chez l’ami qui l’héberge.
Et il se souvient de ce virage, de son wagon inexorablement emporté par la force centrifuge.

78 morts sur 218 passagers.
Il fait partie des rescapés.

Qu’est-ce qui a poussé ce conducteur à ne pas freiner ?
Pourquoi n’y avait-il pas de dispositif de sécurité en cet endroit ?
Qui a fauté ?

Les 218 passagers étaient-ils responsables de ce qui leur est arrivé ?

Là, il est parti à Paris, en France.

On lui a dit que cela allait mieux qu’en Espagne, et qu’il pourrait trouver du travail.
Il a essayé.

Sur place, il a beaucoup téléphoné, prêt à se rendre immédiatement à un éventuel rendez-vous.
Des CV, il en a distribué, plein, mais rien, nada.

Puis il fallait bien rentrer.

Comme il n’avait presque plus d’argent, il a opté pour le car.
D’autant qu’il devait se rendre à Murcie, pour voir l’une de ses sœurs d’adoption.

Dans cette gare routière de Bagnolet, il a pris un car Eurolines en direction de Marseille.
Et après, il y a une correspondance de la même compagnie pour Murcia.

Le car, ce n’est pas cher, mais c’est long.

Il ressasse « Je suis le moteur de ce qui m’arrive ».

Et subitement, là, sur ce tronçon de l’autoroute A9, à hauteur de Fitou, en cette nuit du 11 août, l’accident.

Le car vient de se coucher.

Les gens hurlent.

Pedro s’en rend bien compte, il est blessé.

En attendant les secours, il se la répète, cette putain de phrase…
« Je suis le moteur de ce qui m’arrive ! »

Et si d’autres étaient responsables de tout ce chaos, de ces impérities, de ces crimes par incompétence, ou pire, par intérêt ?

Mais à l’heure où le mot « coupable » ne vaut plus que pour le vulgum pecus
Il serait bon de rappeler, de souligner, ce qui devrait être un mantra, une vérité :

« Certains sont le moteur de ce qui arrive aux autres… »

 

PS : billet inspiré de faits ou situations réels, dont l’accident d’autocar de cette nuit.

Crédit photo : Sant Pêr er morc’hed (1823-1825) par Francisco de Goya, Wikimedia Commons

© PF/Grinçant.com (2013)

10 commentaires sur “Vous êtes le moteur de ce qui vous arrive…”

    1. Avatar photo

      Une façon de dire aux psy… « quelque chose » que justement, ça n’est pas si simple ;-)
      Et ne parlons même pas des « Spécialistes de l’épanouissement personnel » et autres coaches qui utilisent une formule similaire « Vous êtes le moteur de votre vie »

      Bien sûr, que c’est un mélange des deux, mais la société a souvent tendance à oublier la réalité, et l’angle de vue, du billet.

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    Les orientaux qui conservent peut-être mieux que nous les (bonnes) traditions, parleraient de bon, ou de mauvais karma.

    On est tous sur la même planète, on croise nos destins, des petits moteurs qui interagissent, des gros plus ambitieux.

    Alors, charité bien ordonnée commençant par soi-même, autant motoriser des bons plans pour son bonheur. Après, c’est mieux si ce n’est pas au détriment des voisins, involontairement, ou pas.

    Certains, organisés en associations de malfaiteurs n’ont pas suivi la même formation, et encore moins des buts nobles, ça se lit souvent ici !

    Pour revenir sur un aspect « plus » cartésien, une image pratique des probabilités, je ne me souviens plus de leurs noms, des plaques trouées que l’on superpose verticalement, on peut imaginer tirer dessus, par exemple, un jour, des trous seront en alignement parfait, ce qui permet à la « balle » de sortir.

    C’est comme ça qu’on arrive à un train qui déraille, un avion qui rejoint l’océan, etc.

    Forcément, quand on tire avec une arme à répétition, ou qu’on agrandit les trous, même sans enlever de plaques, ça va plus vite…

    Tout ça ne doit pas effleurer la maigre conscience des nuisibles.

    1. Avatar photo

      Ces nuisibles n’ont aucune autre conscience que celle d’exister et de tout pouvoir se permettre pour se développer.
      Contrairement à la sangsue, ils ont créé des réseaux, que l’on appelle des partis politiques, des think tanks ou des lobbies.
      Et ils se constituent en « assemblées ».
      Ils ont aussi des écoles, comme l’ENA, où on leur apprend à quel étage et de quelle manière attaquer le plus efficacement la société.

      Tant de choses que le « lambda » mettra sa vie à découvrir, le plus souvent à ses dépens.
      Pendant que ces parasites lui prennent le travail d’une existence, et lui enlèvent jusqu’à des morceaux de lui-même.
      L’impossibilité de se soigner par manque de moyens en est une brillante illustration.
      Le « pauvre » qui n’a pas de mutuelle, et peut-être même pas de couverture Sécu, n’a qu’une issue : ne plus pouvoir manger, faute de dents, et ne plus voir, faute de lunettes.
      Quant à d’autres atteintes, notamment aux membres, c’est l’amputation qui guette, avec la facture par voie postale (et l’ATD après).
      Et c’est souvent lui que l’on traitera de « gangrène de la société » !

      Avec la stigmatisation et la culpabilisation comme armes virales : « Vous êtes le moteur de ce qui vous arrive ! »
      Il faut déculpabiliser les victimes à outrance et les former à éliminer ces nuisibles.
      C’est l’un des buts de ce modeste blog, par l’explication, l’illustration et la prise de conscience.

      Mais le mal est enraciné tellement profondément…
      De plus, beaucoup de ces parasites ont l’intelligence d’une connerie extrême, ce sur quoi il est très difficile d’avoir prise.

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        Oui, je souscris à 100% pour la déculpabilisation des victimes et la transmutation de leur désespoir.

        Internet est magique quand il offre cette opportunité de prise de conscience en toute liberté, à travers votre blog par exemple.

        Il faut aussi reconnaître que ce n’est pas évident de s’atteler à vos fables, elles sont claires, pertinentes, mais le tableau est féroce.

        Personnellement, je les lis avec un grand intérêt, histoire de ne pas penser tout seul dans mon coin, d’apprendre d’autres pans de notre société, de me blinder un peu plus, et de pouvoir le partager quand j’en ai l’opportunité.

        J’imagine que traverser un parcours du combattant à balles réelles n’est pas évident pour une victime, pourtant il faut bien faire front à ces monstres (après ses monstres) pour passer à travers.

        Je vais ramener le trickster qui peut jouer son rôle en glissant votre url où il faut, quand il faut.

        Je sais j’ai des fréquentations bizarres, les shadoks, les tricksters, les fantômes de Desproges, et puis vous n’êtes pas en manque non plus avec les nymphes, les gargouilles, et autres zombies croisés ici, et que j’aime bien ;-)

        Le pénitent de la clef, ci-dessus, a pris du grade depuis, c’est bon signe !

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          Internet est tellement magique que l’on fait tout, la France en tête, pour tenter de lui clouer le bec.
          Najat Vallaud-Belkacem, notamment, avec l’Assemblée nationale, est en train de pousser le « filtrage administratif » afin d’exiger des FAI, hébergeurs, et référenceurs, qualifiés d’« intermédiaires » de bloquer presque tout, sur simple demande…
          Vendredi, elle a déclaré : « c’est une bonne mesure, car internet ne peut pas, ne doit pas, être une zone de non-droit, une zone d’accueil de la prostitution alors que nous cherchons à la contrer par ailleurs »
          (Source)
          Là, c’est pour la prostitution, mais une fois en place, cela pourra être étendu à tout et n’importe quoi. (Comme les portiques « ÉcoTaxe » qui, techniquement, permettent de traquer tout le monde, et qui concerneront, un jour ou l’autre, les automobilistes aussi)
          Le danger devient de plus en plus grand pour la liberté d’expression, et pour la liberté de vivre tout court.

          Je suis conscient de la difficulté à aborder ce blog, d’autant que beaucoup y arrivent pour un seul billet, par Google, et repartent sans forcément prendre le temps d’en comprendre le style, la philosophie.
          Cela peut être déconcertant en effet. (Heureusement, il y a casques et barbelés pour prévenir)
          Mais c’est un parti-pris, et je tiens à me démarquer pour mieux faire passer certaines choses, quitte à choquer ou à être incompris.
          Le tableau est certes féroce, mais il est réaliste.

          Le parcours du combattant à balles réelles, c’est mieux que de subir toujours plus dans son terrier ou dans une tour à La Défense.
          Et pourtant, il faut le faire, ce parcours, car autrement j’appelle cela de la collaboration avec l’ennemi.
          Accepter l’inacceptable pousse à rendre acceptable ce qui est encore plus inacceptable ;-)

          Fréquenter les shadoks, les tricksters, les fantômes de Desproges…
          Ou encore les nymphes, les gargouilles, et autres zombies…
          Sera toujours mieux que de jouer le jeu des traîtres « élus » qui ne représentent plus qu’eux-mêmes et leurs amis de l’ombre (la finance notamment).

          Quant à se blinder, c’est devenu indispensable !

          PS : Vous voyez, ce qui est aussi plaisant avec internet et un blog comme celui-ci, c’est que ce billet, écrit voilà plus de 3 mois, remonte grâce à votre commentaire*, au point d’être en sixième position aujourd’hui…
          C’est rassurant, et cela montre l’intérêt de mettre en avant les derniers commentaires dans la colonne de droite.
          La goutte d’eau du colibri ;-)

          Re-PS : Et cela génère des associations qui font avancer le monde…
          « tricksters shadoks » dans Google = Ce blog en tête !

          *Addenda de 21h15 : Je pondère (un peu), j’avais oublié le lien « Billet en rapport » dans mon billet le plus récent.

            1. Avatar photo

              Nous sommes au moins trois !

              Il y a toujours une source aux plus grands fleuves.
              Ou alors : Nous partîmes 500…
              et pour finir un petit groupe : we are legions…

              Peut importe chers amis combien nous sommes à venir régulièrement, l’essentiel est de venir, faire monter ce blog en haut grâce aux mots-clés
              et monter peu à peu.

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