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Un anniversaire parmi d’autres

Attente greffe : montre connectée et smarphone

22 août, aujourd’hui c’est un « anniversaire » bien particulier pour moi.
– Pile 3 ans.
– 36 mois.
– 1 096 jours (2024 était une année bissextile).
– 26 304 heures.
– 1 578 240 minutes.
– 94 694 400 secondes.
Que je suis inscrit sur « liste d’attente nationale pour greffe rénale ».
À attendre cyniquement que quelqu’un décède, et que l’on puisse le « prélever ».
Que l’organe soit « compatible », et que l’on me l’attribue, sur la base d’un « score » savamment calculé.

22 août, c’est la date mentionnée sur la lettre — le « graal » — de l’Agence de la biomédecine qui m’en a informé en 2022.
Depuis, je suis « appelable » à tout moment par le CHU auquel je suis rattaché.
Et je dois m’y rendre dans les meilleurs délais, au plus quelques heures.
À chaque instant, je dois être joignable et pouvoir « décaler », un peu comme les pompiers.
C’est une « contrainte » d’un genre particulier.
Toujours mon smartphone à la ceinture ou à proximité, avec deux cartes SIM d’opérateurs différents.
Montre connectée en prime, pour que mon poignet vibre.
La haine quand il sonne pour des appels « indésirables ».
La crainte que ça ne fonctionne pas, et de trouver trop tardivement un message salvateur.
Ou pire, à mon retour chez moi, sur mon fixe.
Quand je pars faire une randonnée autour d’un lac, je fais de savants calculs.
En aéronautique, on parle de « point d’équitemps » pour désigner le « point de non-retour ».
Pour d’autres parcours, c’est plus simple, avec ma tablette et mes cartes IGN je devrais pouvoir trouver une solution.

Il y a cette attente, permanente, qui hante mes jours, mes nuits, mes week-ends, et même les jours fériés.
Une attente, mais aussi un espoir, déçu à chaque nouvelle seconde qui passe.
Mais honnêtement, j’ai « intégré » la chose, et j’arrive à plutôt bien le gérer psychologiquement.
Je sais que ma valise, soigneusement préparée pour cela, est là, dans ce placard, dans l’entrée.
Qu’en cas d’appel, il me faudra trouver rapidement un taxi, ou un VSL, pour aller aux CHU.
Et qu’ensuite, si la greffe s’avère possible — les dernières vérifications de compatibilité —, « alea jacta est », comme l’on dit.
Et après, il y aura la convalescence, et le traitement anti-rejet à vie.

J’entre donc dans ma quatrième année d’attente.
Pour la « maladie », je vais entrer dans ma septième année en octobre prochain.
Dans trois semaines, j’ai mes rendez-vous annuels au CHU pour revalider mon maintien sur liste.
Une « trilogie » : Néphrologue, Chirurgien-Urologue, Anesthésiste.
Chacun a le pouvoir de me « suspendre » — la fameuse « contre-indication » —, voire de me faire radier.
Pour une fois, ces trois rendez-vous sont concentrés sur la même journée.
Et pour en arriver là, il a fallu que je suive mon « cursus » habituel d’examens et d’analyses régulières.
Curieusement, on a un organe vital défaillant, mais il faut être une bête de course pour tout le reste.
Hors problèmes — assez majeurs — induits par l’insuffisance rénale terminale, bien sûr.
Et chaque « incident », chaque « anomalie », peut être synonyme de passage en « liste inactive », voire de radiation.
En fait, tout est anxiogène, mais on s’y fait.
J’arrive même à rire/sourire en lisant mes comptes-rendus médicaux ou en décryptant mes analyses biologiques.

Là où je rigole moins, c’est en lisant le dernier rapport de l’Agence de la biomédecine.
Le « taux d’opposition au prélèvement d’organes » est encore en hausse significative en France, alors qu’il devrait être en baisse.
Par ailleurs, l’association Renaloo, dans un document « Deux années de plan greffe : quel bilan ? » publié le 13/02/2024, précise : « Alors qu’elles devraient être tout particulièrement soutenues, ces équipes* font souvent face à d’importants freins, notamment pour l’accès aux blocs opératoires. »

Je continue donc à regarder, d’un œil torve, ma montre connectée, et mon smartphone…
Et je l’avoue, c’est avec quelques inquiétudes et une certaine impatience, de plus en plus grandissantes.

Au fait, petite anecdote, quand je tape « rein » sur mon clavier, j’obtiens souvent « rien ».
Une fois greffé, ferai-je toujours cette inversion symbolique et symptomatique ?

* (chargées des greffes, prélèvements inclus)

Visuel : « Attente de greffe : des accessoires indispensables pour tuer le temps et être joignable. »

© PF/Grinçant.com (2025)

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