J’y vais, j’y vais pas ?
Telle était la question du jour.
« Préservation du capital veineux », c’est un mantra pour moi.
Me faire « piquer » le moins possible.
En aucun cas sur le bras gauche (porteur d’une FAV(1)).
Et, si possible, privilégier le dos de la main droite.
Cathéter/microperfuseur bleu, le plus fin, celui pour bébé.
Tous les trois mois, j’ai droit à un prélèvement spécial, pour les « Anti-HLA(2) ».
La recherche des anticorps, pour bien choisir l’organe, pour le fameux « match ».
Et pour limiter les risques de rejet après greffe.
Dans mon cas, je suis dans l’attente d’un rein, compatible et disponible.
D’habitude, j’ai une prise de sang mensuelle pour le suivi de mon état de santé.
Mais là, curieusement, la prochaine n’est que pour janvier 2025.
Mes derniers Anti-HLA datent du 16 septembre 2024.
Trois mois, ça nous fait le 16 décembre 2024, aujourd’hui.
Et si je différais à ma prise de sang « générale » du 16 janvier prochain ?
Après tout, quatre mois au lieu de trois, peut-être que ça passera ?
Et peut-être que ça ne passera pas, que l’algorithme me mettra de côté…
Éviter un trou supplémentaire dans ma veine vaut-il le coup de courir un tel risque ?
Alors j’ai fait un « pari »…
Pour ce matin, je n’ai pas mis de réveil.
Et si je me réveille « naturellement » avant 6h30, je vais à la prise de sang…
Et à 6h15, j’étais réveillé !
La décision était donc prise naturellement, par mon corps, et peut être mon cerveau.
Comme quoi ils sont tous deux demandeurs de cette greffe.
Alors, je me suis mis mon « patch EMLA »(3) sur le dos de la main.
Antidouleur ? Je ne trouve pas vraiment, mais pour moi l’effet est « psychologique ».
Je me prépare ainsi à la prise de sang, dans plus ou moins une heure.
7h15, j’étais à l’hôpital.
Et j’obtenais le ticket « V001 », le premier, pour l’enregistrement.
7h30, ouverture du guichet, je suis effectivement le premier à passer.
7h35, j’arrive au centre de prélèvement.
Nouveau ticket, à nouveau le premier, il n’y a pas eu d’arnaqueur à la file d’attente.
7h36, l’infirmière appelle le « 01 », c’est moi !
Elle est charmante.
Elle a longtemps exercé en Néphrologie.
Nous discutons donc de plein de choses, de la dialyse que j’évite toujours, des médecins, de mon cas.
Elle me demande de tenir un flacon pour favoriser la mise en valeur de la veine.
Puis elle me pique…
Et curieusement, je n’ai quasiment rien senti !
Et elle a tranquillement rempli les tubes qui doivent ensuite être envoyés à l’EFS(4) du CHU(5) pour analyse.
Délai pour les résultats, pas moins de quinze jours !
Me voilà dehors, finalement très content d’avoir fait ce prélèvement aujourd’hui.
Et je suis presque impatient d’arriver au 16 janvier, en espérant que ce soit… la même infirmière !
Comme quoi, dans les situations complexes, lâcher prise est presque toujours une bonne idée…
Visuel : « Ticket gagnant ? »
© PF/Grinçant.com (2024)
(1) FAV : Fistule artérioveineuse
(2) HLA : « human leucocyte antigen »
(3) Patch EMLA : anesthésiant local, Lidocaïne & Prilocaïne
(4) EFS : Établissement français du sang
(5) CHU : Centre hospitalier universitaire
C’est toujours positif de prendre avec légèreté et détachement une situation qui n’est pas agéable à priori. Au moins, tout est OK au niveau de votre suivi médical et vous avez fait une belle rencontre, qui, en plus, manie avec efficacité et discrétion l’art de la piqûre. Vos échanges vous ont permis « d’oublier » le moment désagréable de votre rendez-vous. On croise les doigts pour que les résultats soient aussi sereins que votre passage à l’hôpital. En attendant, passez de bonnes fêtes de fin d’années ;-)
Situation désagréable à vivre, en effet. Mais on s’habitue à (presque) tout.
Chaque détection d’un anticorps anti-HLA rend le « match » d’un greffon potentiel — l’un des critères d’attribution — plus compliqué.
En plus, il suffit qu’un anticorps soit détecté une seule fois dans l’historique des analyses trimestrielles pour qu’il soit considéré comme « acquis », et ce, par précaution.
Passez également de bonnes « fêtes ».
Désolé si mon commentaire vous semble un peu critique mais j’ai l’impression de revivre mes débuts, à la fois en transplantation (1ère greffe après dialyse péritonéale très pénible) et en hémodialyse (avant 2ème greffe), marqués par un certain niveau de paranoïa due à une ETP (éducation thérapeutique du patient) quelque peu extrême et anxiogène (du dressage en somme).
D’ailleurs j’ai pour ainsi dire « pété un câble » après transplantation et fait un scandale à l’hôpital en convoquant le professeur (accompagné de son staff non prévu) pour lui reprocher de ne pas me sentir en sécurité dans son service au motif que mes médicaments antirejet n’arrivaient pas à l’heure prévue et que j’étais même obligé de les ingurgiter pendant les repas, ce qui était censé diminuer leur absorption. Il n’a pas apprécié du tout du tout !
Bref, comme vous j’étais très pointilleux sur les consignes pour maximiser mes chances de réussite. Puis comme cette situation d’hospitalisation post-greffe se normalisait (théorie vs réalité), j’ai fini par comprendre que j’avais simplement été endoctriné à l’observance du traitement (mantra médical) et qu’il y avait de la marge (confidences d’infirmières). C’était censé prévenir le relâchement qui arrive de toute façon car on se sent de moins en moins malade après greffe. Donc si ce témoignage peut vous éviter un niveau de stress inutile…
Pour en venir au fameux capital veineux, je confirme que c’est très important (même après greffe car retour en dialyse probable) et que c’est vraiment au patient de le protéger car en pratique les soignants (à part les néphrologues de dialyse) n’en ont pas grand chose à faire. Cela dit, dans mon cas, étant passé par presque deux ans d’un traitement complémentaire (optionnel et quasi expérimental) de photophérèse pour prévenir l’augmentation d’anticorps anti-HLA dirigés contre mon second greffon (passés sous le radar du cross match, question de seuil de détection rapide), traitement n’ayant finalement montré aucun bénéfice chez moi, je me suis quand même pris une aiguille dans chaque bras (une grosse métallique et un cathéter classique) au niveau pli du coude une fois par semaine en moyenne (séance 1h30). Mes veines à cet endroit sont donc bien abîmées maintenant. Là aussi, attention à ce qu’on vous proposera peut-être un jour…
L’histoire du patch EMLA sur la main m’a fait rire quand même mais je comprends, pas encore assez de lâcher prise avec les aiguilles (hihi). Au bout d’un moment c’est la routine ça. J’ai du vous le raconter déjà, j’ai été formé en auto-dialyse à me ponctionner moi-même afin de pouvoir pratiquer l’hémodialyse bas débit à domicile (appareil Physidia S3, 2-2.5h/j, 6j/7). Le troisième jour je me ponctionnais déjà sans assistance (grosse motivation, gros lâcher prise). Donc là oui on utilise des patchs EMLA mais il m’est arrivé plusieurs fois par la suite de devoir me ponctionner à vif, sans patch préalable et ça passe aussi (accueillir la douleur plutôt que de la redouter / fantasmer, respiration). Faut dire que j’avais déjà vécu une mini-torture auparavant lorsqu’un chirurgien avait du me faire un point de suture à vif sur le pubis (crispation et chaleur extrêmes), ma première initiation à la survie type Rambo…
Mais bon, chacun son parcours avec ses propres moyens sachant que les expériences en néphrologie-transplantation sont quand même assez diverses avec toutes les pathologies secondaires qui peuvent se présenter. Cela reste toutefois un parcours de vie singulier dont il faut s’efforcer de tirer un enrichissement personnel autant que possible, un challenge de la vie sur la mort.
Du coup j’ai pas trop respecté la charte concernant les commentaires courts là…
« mais j’ai l’impression de revivre mes débuts » –> Je ne sais pas s’il est bon que vous lisiez ma prose relative à l’IRT et à la greffe.
Pour le patch EMLA, je précise bien que pour moi c’est « psychologique ».
L’infirmière de ce matin — qui a beaucoup travaillé en Néphrologie — m’a confirmé que beaucoup de patients refusaient d’être prélevés sur le dos de la main tant c’est désagréable.
Elle m’a aussi précisé qu’en dialyse, le cathéter veineux central (CVC) était souvent préféré à la FAV.
Et elle a reconnu que tout cela était fort peu sympathique.
Pour les trois mois entre chaque « anti-HLA », je pense qu’il y a de la marge, mais, comme c’est assez opaque, je préfère ne pas tenter le diable.
Je me suis déjà pris trois mois de « contre-indication » pour le moins abusifs…
Je vais vous faire une confidence, et même deux ;-)
Avant cela, j’avais toujours dit : « Plutôt crever que de mettre les pieds dans un hôpital ! »
Et pour les prises de sang, c’était une tous les dix ans…
Effectivement, une question de vie ou de mort.
J’exagère, je ne revis rien, je me souviens.
Mes seuls vrais traumas ont eu lieu au début de mon IRT à Cannes et à Nice en 2008 :
– première tentative ratée de pose d’un cathéter de dialyse en veine jugulaire sous anesthésie locale, tête recouverte et cou tendu totalement livré au trocard (le prof avait perdu la main) ;
– biopsie automatisée des reins natifs sous scanner, l’impression de me faire transpercer subitement le dos par un pieu, écrasé sur la table sans visuel ;
– dialyse péritonéale douloureuse à insupportable à cause d’erreurs chirurgicales répétées (cathéter implanté du mauvais côté / courbure et repris 2 fois en persistant dans l’erreur, résolu à mon retour dans mon Alsace natale) m’ayant conduit à de fortes envies d’en finir tant mes nuits à domicile étaient redoutables (terreur à chaque fin de vidange du péritoine).
Bref, quand ça veut pas marcher…
OK il y a les « allergiques » aux hôpitaux, assez répandus. Avec ma mère anciennement aide-soignante d’hôpital et moi-même ayant travaillé dans le service technique du même hôpital, j’avais largement passé ce cap psychologique. Et pour les prises de sang pareil, pas d’appréhension mais insouciance totale jusqu’au stade fatidique des symptômes finaux de l’IRT survenus en 5 jours (tension 22, mal de crâne, 10kg d’eau, début d’OAP, mauvaise haleine, nausées, dénutrition). C’est pourquoi tous les lecteurs ici devraient faire une prise de sang au moins tous les ans pour vérifier l’état de leurs reins, super important de s’y prendre à temps avant d’atterrir subitement aux urgences et en dialyse d’office (rappel : 1 personne sur 10 en insuffisance rénale chronique).
Ça fait drôle quand même de se dire qu’on devrait être « naturellement » mort et qu’on dépend maintenant de la « société » pour continuer de vivre. Tout change à partir de là et on se prend même à l’oublier une fois greffé et en meilleure forme…
Lors de ma dernière consultation avec mon Néphrologue — je mets une majuscule, car il devient, par la force des choses, presque un dieu —, petit échange :
— Il y a une épidémie ?
— De quoi, de patients, ou de néphrologues ?
— Les deux, docteur.
Moi, je voyais une salle d’attente remplie plus que jamais de patients, et lui voyait que son service avait récemment récupéré deux praticiens spécialistes supplémentaires.
L’insuffisance rénale, c’est une vraie saloperie, et l’extrait que je vous ai mis récemment en réponse dans ce commentaire me fait froid dans le dos à chaque relecture.