De l’eau dans le gaz, une bouteille à l’amer

Elle est là, à pleurer devant la palette.

Dans ce Lidl d’une commune de campagne.

Mais que lui arrive-t-il pour qu’elle se mette dans un tel état ?

Comme d’habitude, elle allait prendre son pack d’eau pour la semaine.
Elle y ajoute toujours une bouteille pour en faire sept.

De l’eau minérale naturelle gazéifiée, source Alizée, en 1,5 litre.

Ce matin, le choc, en regardant machinalement le prix.

0,31 € la bouteille… La semaine dernière, c’était 0,29 €.

Elle n’est pas très forte en calcul, mais une question la tenaille…
Doit-elle prendre la septième bouteille ?

Son budget est hyper serré.

Si cela ne tenait qu’à elle, l’eau du robinet suffirait.

Mais il y a ses deux enfants.
Ils réclament des sodas, et tant qu’à faire, les originaux, pas des ersatz.
Alors, elle leur donnait au moins les bulles, avec cette eau.

Et là, même ça, ça va devenir difficile.

Deux centimes d’euros, c’est 13 centimes de francs.

Dans sa jeunesse, un Carambar coûtait 5 centimes.

Maintenant, la moindre augmentation, avec la plus petite pièce de 0,01 €, c’est plus qu’un Carambar.
Là, sur une seule bouteille, l’augmentation représente près de trois Carambars.

Près de 7 % d’augmentation, comme ça, d’un coup…

7, comme sa 7^e bouteille.

Sur l’année, elle achetait précisément 365 bouteilles pour 105,85 €.
Ce budget, elle l’a dans la tête.

Maintenant, elle ne le sait pas encore précisément, mais cela lui coûterait 113,15 €.

Ou alors, il faudrait qu’elle supprime 24 bouteilles par an.
24 bouteilles, c’est 24 jours sans cette eau.

La décision, elle veut la prendre maintenant.
Cette septième bouteille est symbolique.

Elle, de cette eau, elle en a besoin.
Mais Lidl, de ces 2 centimes, en ont-ils vraiment besoin ?

En plus, d’un coup, d’un coup d’un seul, celui qui a modifié ce prix l’a fait pour la France entière.
Elle ne doit pas être seule, devant la palette d’eau, à pleurer.

Se serrer la ceinture, se restreindre : elle est au bout de ses possibilités.
Et s’il n’y avait que l’eau !

Que faire ?

Cette augmentation, pour elle, c’est une nouvelle humiliation.
Oui, une de plus.

Mais pourquoi les gens, les autres, ne se révoltent-ils pas ?
Il devrait pourtant y avoir de l’eau dans le gaz, une envie d’en découdre…

Tant d’amertume pour un simple pack d’eau…
Et finalement tant d’enjeux !

Faut-il céder, courber l’échine ?

Alors, cette 7^e bouteille, elle l’achète ou pas ?

Elle charge un pack.
Puis, tremblante, se met à déchirer le plastique d’un autre.
Elle libère une bouteille.

En plein conflit intérieur, elle la regarde.

Puis elle la pose dans son chariot.

Une nouvelle fois, elle a cédé.
Elle va encore devoir se priver, mais elle ne sait pas encore comment.

Du bureau, on l’observait, grâce à la caméra vidéo…
7 %, ça passe encore, alors pourquoi se priver ?

Crédit photo : © PF/Grinçant.com (2005-2013)
Crédit photo Carambar : CC Wikimedia par Xell

© PF/Grinçant.com (2013)

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