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Assignations à résidence vs Lettres de cachet

Pour une fois, et c’est exceptionnel, je ne vais pas mettre de copyright, puisque je reprends intégralement un amendement déposé avant-hier, 12 décembre 2016, par une députée au parcours atypique, Isabelle ATTARD  (Wikipédia), car il est particulièrement juste et délectable…

Son amendement est « Tombé » (« Sans objet »), puisque l’article 2 a été modifié pour prévoir (enfin) l’intervention d’un juge dans certaines conditions. De toutes les manières, vous vous doutez bien qu’il n’avait aucune chance de passer…

Rappelons qu’une semaine avant, Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur, est devenu… Premier ministre !


ASSEMBLÉE NATIONALE

12 décembre 2016

PROROGATION ÉTAT D’URGENCE – (N° 4295)

Tombé

AMENDEMENT N° CL13

présenté par

Mme Attard

———-

ARTICLE 2

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« Les assignations à résidence décidée par le ministre de l’intérieur sont dénommées lettres de cachet. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les lettres de cachet étaient, sous l’Ancien Régime en France, des lettres secrètes servant à la transmission d’un ordre du roi, permettant par exemple l’incarcération sans jugement, l’exil ou encore l’internement de personnes jugées indésirables par le pouvoir. Elles présentaient les avantages de la discrétion et de la rapidité pour le monarque.

L’objectif des assignations à résidence aujourd’hui est clairement le même pour le gouvernement : pouvoir embastiller des gens jugés dangereux, sans avoir à démontrer la-dite dangerosité à un juge, pourtant garant des libertés individuelles des citoyens français.

La meilleure preuve du détournement des assignations à résidence de leur objectif de lutte contre le terrorisme vient du plus haut niveau de l’État. Dans le livre “Un Président ne devrait pas dire ça”, le Président de la République François Hollande a été limpide. En décembre 2015, il déclarait :

« Oui. Il y a des abus, des excès. Les préfets en profitent pour faire autre chose que de la lutte contre le terrorisme. Donc, on a demandé aux préfets de faire attention. Surtout si l’état d’urgence devait être prolongé, car à un moment, ce sera insupportable. Les préfets avaient une liste de gens pour lesquels il y avait sans doute des opérations qu’ils auraient voulu mener, et que l’état d’urgence leur permet de mener. Ce ne sont pas forcément des gens liés au terrorisme. Droit commun, trafiquants, des gens dont on savait qu’ils pouvaient détenir des armes… En fait, au bout de quarante-huit heures d’état d’urgence, ceux qui ont des armes les mettent à l’abri. » « En tout cas, le risque c’est celui-là, qu’on profite de l’état d’urgence. C’est une facilité. Je n’y suis pas favorable. Car la tentation, c’est de garder un état d’exception. On ne peut pas dire qu’on a arrêté des terroristes, ce n’est pas vrai. Mais l’état d’urgence a aussi un caractère dissuasif. » « Imaginons qu’il n’y ait pas eu les attentats, on n’aurait pas pu interpeller les zadistes pour les empêcher de venir manifester. Cela a été une facilité apportée par l’état d’urgence, pour d’autres raisons que la lutte contre le terrorisme, pour éviter qu’il y ait des échauffourées. On l’assume parce qu’il y a la COP. »

Puisque les assignations à résidence sont reconnues comme une facilité utilisée par le gouvernement pour priver de leurs droits des citoyens hors de tout circuit juridique, il apparaît important de les dénommer correctement. Les assignations à résidence sont une version à peine révisée des lettres de cachets des rois de France, qui permettent l’enfermement d’opposants politiques sans autre forme de procès.

(Source Assemblée Nationale française)

4 commentaires sur “Assignations à résidence vs Lettres de cachet”

  1. Avatar photo

    Excellent !
    Par contre, indisposer Monsieur petites blagues fait qu elle sera jamais ministre comme ses ex-collègues d’EELV, Placé ou Duflot. Elle va même probablement perdre son siège de député (vu qu’elle l’a eu grâce à un accord avec le PS).

    1. Avatar photo

      Elle a au moins du courage et de l’humour, d’autant que c’est plutôt bien vu.
      Et elle défend le logiciel libre ;-)

      Extrait de sa fiche Wikipédia, hors « politique » :

      « Après une première année de DEUG en sciences économiques à l’université de Bordeaux, Isabelle Attard s’oriente vers l’histoire et obtient un DEUG en histoire à l’université d’Orléans. Elle est alors pigiste au journal La République du Centre. C’est à cette époque, en 1990, qu’elle se marie et part s’installer à Göteborg en Suède, où elle est employée dans un restaurant McDonald’s. Elle porte alors le nom d’Isabelle Robert, jusqu’à son divorce. Elle continue à y étudier l’histoire en formation à distance et obtient sa licence en 1991.
      Elle déménage en 1992 à Kiruna en Laponie où, chef d’entreprise, elle est consultante en tourisme et participe au développement du tourisme à destination des francophones dans cette région. En parallèle, elle reprend des études et sort diplômée d’archéologie nordique à l’université d’Umeå en 1996.
      Elle rentre en France en 1997 et reprend à nouveau des études, cette fois à la Sorbonne, où elle obtient un DEA en archéologie environnementale en 1999. De 1999 à 2002, elle est vacataire au muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris.
      En 2002, elle part en Afrique du Sud comme chercheuse sur le site de Duinefontein (en) alors qu’elle prépare sa thèse (de 2000 à 2004). Après avoir réussi le concours d’attaché de conservation du patrimoine en 2004, elle est nommée en 2005 à la tête du musée de la Tapisserie de Bayeux, poste qu’elle occupe jusqu’à sa démission en 2010.
      En 2010, elle obtient un doctorat en archéologie environnementale-archéozoologie. Elle est alors membre de l’unité de recherche 7209 (archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnement) au MNHN et au CNRS.
      Elle est directrice du musée du débarquement Utah Beach dans la Manche de 2010 à juin 2012, date de son détachement.
      En 2014, elle reçoit le prix de l’E-Toile d’Or 2014 “politique” pour son action législative en faveur du logiciel libre. »

      C’est quand même plus sexy (et probablement plus utile aussi pour la société) qu’un parcours type ENA ;-)
      Et ça a le mérite d’être cohérent avec EELV.

      J’ajoute aussi ces deux extraits la concernant :

      « Contre la prolongation de l’état d’urgence en France
      Après les attentats du 13 novembre 2015 en France, Isabelle Attard est l’une des six députés français à voter contre la prolongation de l’état d’urgence jugeant “honteux” cette quasi unanimité des députés. »

      « Contre la prolongation des frappes aériennes en Syrie
      Elle est aussi l’une des 4 députés à voter contre la “prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien”, dénonçant dans un communiqué : “Les parlementaires n’ont reçu aucun dossier, aucun élément, aucun chiffre, ni même un email pour justifier cette décision. Cela n’est pas sérieux.” »

      Une à sauver à l’Assemblée nationale ???

  2. Avatar photo

    C’est le problème avec EELV, il y a parmi eux des tas de gens bien, mais leurs dirigeants sont parmi les plus répulsifs qui soient (plus carriéristes/opportunistes que Duflot & Placé il faut quand même chercher).
    Après, on ajoute un tropisme d’extrême gauche qui leur fait associer « minorité = opprimé = bien » qui leur fait prendre des positions qui me hérissent le poil (genre Leonarda ou la défense de familles délinquantes comme à Persan Beaumont).
    C’est dommage, car sinon ils pourraient apporter beaucoup et avoir du succès électoralement comme en RFA ou en Autriche (où le président est issu des verts).

    1. Avatar photo

      Il faut bien reconnaître qu’en France ce parti est totalement à côté de la plaque.
      Entre les arrivistes/opportunistes et la sauvegarde de la planète qui passe à la trappe :-/

      D’ailleurs, Isabelle ATTARD a quitté EELV en décembre 2013 pour zigzaguer un peu derrière.
      Mais elle a du courage dans ses prises de position, et notamment avec cet amendement plutôt culotté.

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