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Saisies, les pinces du crabe se referment

Vous le savez, les États sont dépendants des financiers, et notamment des banques.

Tout l’argent a disparu dans des dettes créées de toutes pièces.

Les banques ne financent plus rien…

Et comme elles sont maintenant capables d’entraîner des risques systémiques, elles rackettent les états et leurs citoyens.

Comme on dit, elles sont « Too big to fail », soit « trop grosses pour faire faillite »…

Mais il y a collusion entre ces mondes, à tous niveaux : politiques, financiers, multinationales…

Pour l’individu lambda, ça change quoi ?

Eh bien, il est en bout de chaîne, et c’est lui qui doit souffrir, quoi qu’il arrive…

On le voit bien pour la Grèce, l’Espagne, c’est la spirale infernale.

Pour la France, c’est pareil, sauf que cela ne se voit encore pas assez.

Sauf que nous risquons (presque) tous d’être concernés, et il vaut mieux être prévenus !


Vus récemment, des morceaux d’anthologie, sur des documents comminatoires d’un Huissier des Finances Publiques de la République française… (mais cela vaut pour les « Huissiers de Justice » classiques)

1er document « Dernier avis avant ouverture des portes » (courrier simple, tarif Ecopli) :

« J’ai été chargé par le comptable désigné ci-dessus de procéder à la SAISIE de vos meubles, comptes bancaires et véhicule(s).
Vous êtes en effet redevable de la somme de… »

À défaut de règlement avant le (délai très court)
LA SAISIE EFFECTIVE DE VOS MEUBLES SERA PRATIQUÉE, MÊME EN VOTRE ABSENCE
dans les conditions prévues par l’article 21 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, avec, le cas échéant, l’assistance d’un serrurier et en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal, ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier, ni de l’huissier.

Les frais entraînés par cette opération seront à votre charge.

AVIS IMPORTANT : Le paiement d’un acompte n’interrompt pas la procédure. »

8 jours plus tard, nouveau « courrier »…

… avec un joli tampon rouge « DERNIER AVIS avant ouverture des portes »

« En dépit de mon avertissement en date du…
Vous êtes toujours redevable de la somme de…
À DÉFAUT DE RÈGLEMENT IMMÉDIAT, LA SAISIE EFFECTIVE DE VOS MEUBLES SERA PRATIQUÉE, si vous êtes absent le jour de mon déplacement, ou si vous me refusez l’accès à votre domicile, JE PROCÉDERAI SYSTÉMATIQUEMENT À L’OUVERTURE FORCÉE DES PORTES… »
(suivi du laïus précédent, rappel de la loi de 1991).

Oui, vous avez bien lu, et nous sommes bien dans la France « Liberté, Égalité, Fraternité », signataire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, issue de celle de 1789…

Passons sur l’aspect « dû ou non dû »…

Mettons-nous dans la peau de quelqu’un qui ne peut tout simplement pas payer immédiatement et en intégralité…

Mettons-nous simplement à la place de personnes victimes de la crise, causée par ceux cités en introduction…

Nous sommes face à leur dernier bras armé (« Officier publics et ministériels », titulaires d’une « charge »), le bout de la logique, « la pince du crabe qui se referme »

Et face à la négation de l’Autre, face à l’asservissement.

Quelques points à souligner :

  • Vous n’avez aucune échappatoire : c’est tout, et tout de suite.
  • On menace de tout vous prendre (comptes, véhicule, biens), vous n’avez plus aucune possibilité de continuer à vivre dans un pays où tout coûte.
  • On ne vous donne aucune date… Donc on vous emprisonne chez vous. Si vous vous absentez, pour travailler ou aller chez le médecin, vous craignez de voir votre porte fracturée et vos biens saisis en votre absence (pour être revendus une bouchée de pain).
    Si vous êtes en vacances, le timing est ainsi fait que c’est du gâteau… Tout sera effectué avant votre retour !
  • C’est une double privation de liberté, puisque l’on peut vous priver (ou tenter de) de votre véhicule, indispensable de nos jours.
  • Il s’agit d’une intrusion absolue dans votre vie privée, et vous pouvez ne pas être en mesure de vous défendre ou de justifier de l’insaisissabilité de tel ou tel bien.
  • Il s’agit d’un harcèlement psychologique et moral inouï : envers vous, mais aussi envers vos proches, vos voisins, vos enfants (qui pourront vous être enlevés une fois que vous serez à la rue).
  • C’est une humiliation, du début à la fin : dans le choix des mots, des caractères, jusqu’à l’enveloppe spécialement faite pour faire apparaître le nom de l’expéditeur (Huissier…), des fois que votre conjoint, ou l’un de vos enfants irait relever la boîte aux lettres…
  • Pour des sommes souvent réduites (voire non justifiées), on s’acharne, pour toujours vous faire payer plus de frais.
  • On veut vous « liquider », pour continuer à financer un système abusif et cynique.

Chacun d’entre nous pèse ses mots en s’adressant aux autres, surtout en écrivant…

Là, tout est « pesé », mais dans le mauvais sens.

Comment voulez-vous réagir ?

Le plus gentil des chiens, lorsqu’il est acculé contre un mur, finira par grogner, montrer les dents, et vous mordre.

L’être humain est normalement programmé pour préserver sa survie, sa descendance…

Et ça n’est pas tout, lorsque vous prenez sur vous pour tenter de « négocier », vous tombez sur :

  • Une messagerie non personnalisée.
  • Un fax qui n’existe pas ou qui ne fonctionne pas.
  • Un mail auquel on ne daigne même pas accuser lecture, et encore moins répondre.
  • Une absence de réaction pour générer encore plus de stress chez vous.

Et que dire de ces huissiers qui se battent, pour être les premiers, pour saisir avant les autres, avant leurs « consœurs » et « confrères » ?

Tous (ou presque), ils préfèrent facturer des « actes » plutôt que de regrouper les « problèmes » et de traiter humainement les gens, comme nous le ferions normalement, nous.

Enfin, cerise sur le gâteau, si vous avez fait l’objet d’une saisie dite « conservatoire », et que vous essayez de mettre à l’abri quelque chose de précieux pour vous, ne serait-ce que sentimentalement, vous risquez trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.
Cela vaut également pour la simple « tentative de l’infraction ».
Excusez du peu, vous risquez beaucoup moins à faire des choses beaucoup, beaucoup plus graves !


Parlons maintenant d’un cas récent et qui va faire jurisprudence :
(Précisons que « les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle » ne sont pas saisissables, « si ce n’est pour paiement de leur prix »)

Un homme au chômage se voit saisir son ordinateur…
Il décide d’aller en Justice.
En mai 2010, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le déboute au motif qu’il est sans emploi !

Donc, qu’il ne s’agit pas d’un « outil de travail » pour lui. Sauf que tout le monde sait qu’à notre époque un ordinateur est indispensable, pour toutes les démarches, notamment auprès de Pôle Emploi, ainsi que pour trouver du travail…

L’homme ne se laisse pas faire (bravo !), et va en cassation…

Dans son arrêt n° 1145 du 28 juin 2012, la Cour de cassation a cassé le jugement de la Cour d’appel en considérant qu’un « ordinateur utilisé pour la recherche d’un emploi doit être assimilé à un instrument nécessaire à l’exercice personnel d’une activité professionnelle ».

Une évidence, mais il fallait que quelqu’un aille jusque-là pour que cela soit reconnu !

L’ordinateur d’un chômeur est donc un bien insaisissable !


Mettons en perspective d’autres éléments…

  • La fameuse Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 a été signée par François Mitterrand.
    Elle a fait l’objet du décret N° 92-755 du 31 juillet 1992, instituant de nouvelles règles. Ce décret a notamment été signé par Pierre Bérégovoy, Michel Sapin, Michel Charasse, Martine Aubry, Marie-Noelle Lienemann
  • Le « taux de base » « TB », servant à élaborer le tarif (très complexe) des huissiers, a été revalorisé par décret à partir du 11 mai 2007, il est passé de 1,60 € (depuis 1988) à… 2,20 €, soit une augmentation de 37,5 % ! Nicolas Sarkozy prenait ses fonctions le… 16 mai 2007.
  • Mais le gouvernement Sarkozy n’est pas en reste, puisqu’il a augmenté le pouvoir des huissiers, notamment quant à l’obligation pour de nombreux organismes de leur fournir des informations normalement confidentielles.
    De plus, en 2011, plusieurs décrets ont modifié les conditions d’exercice de la fonction, et les autorisent notamment à exercer comme salariés (voie encore plus ouverte à ce que l’on peut qualifier d’industrialisation).
  • Enfin, curieusement, le 30 mai 2012, Jean-Marc Ayrault signe le décret n° 2012-783 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d’exécution, concernant directement les huissiers, et donc nous (mais pas dans le bon sens).
    Sachant qu’il n’a été nommé Premier Ministre que le 15 mai 2012, en pleine crise, qu’est-ce qui pouvait motiver une telle célérité ? N’y avait-il pas d’autres urgences ?
    Et pourquoi n’ont-ils pas fait un texte en adéquation avec notre époque ?
    (Voir chapitre précédent, ordinateur, chômeur et Cour de cassation)

Ajoutons :

  • Que les huissiers peuvent exercer, à titre « accessoire », l’activité d’administrateur d’immeubles (gestion immobilière, syndic de copropriété) : bien curieux mélange des genres, surtout pour une profession « protégée », en « Chambres », et qui bénéficie d’un monopole…
    Mais ce qu’ils omettent souvent de vous dire, c’est qu’ils sont obligés de recourir à un confrère dans le cadre du recouvrement des charges (Réponse n° 113088, de Laurent Wauquiez, en date du 13/02/2007).
  • Que la rémunération moyenne d’un huissier de justice (en libéral) était, en 2009, de 13 119 € nets par mois (source UNASA, 2009).
    Plutôt sympathique, pour quelqu’un qui vous traite comme décrit précédemment, et qui expulse des personnes qui n’ont plus rien pour vivre !

Cette profession est curieusement chouchoutée, même si certains se lamentent.

Et en cette période de crise et de licenciements massifs, avec tout ce qui en découle, il vaut mieux être préparé à leurs méthodes et à leur pouvoir exorbitant (« force probante » notamment).

Et, comme vous l’avez constaté à la lecture de ce qui précède, ce ne sont pas les politiques qui vont vous aider… Surtout avec un tel millefeuille de lois et décrets et les méthodes mises en œuvre !

La logique est implacable : les états cèdent aux banques, aux grandes entreprises (dont ils sont souvent actionnaires), c’est le marasme, et il y a le bras armé, dit « de Justice ».

Comme dans un étau, il y a une partie fixe, et une partie mobile…

C’est comme la pince du crabe qui se referme !

Citation :
Ces informations ne sauraient remplacer la consultation de votre Conseil habituel ou de tout autre professionnel du droit.

© PF/Grinçant.com (2012)

1 commentaire pour “Saisies, les pinces du crabe se referment”

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    … et ce n’est pas fini, la profession peut se frotter les mains. Rien que dans l’immobilier locatif les impayes sont devenus legion. Un article paru dans Libération sous le titre « Les impayés de loyers, corollaire de la précarité » annonce :
    « Selon le ministère de la Justice, les procédures pour impayés engagées par les propriétaires publics et privés devant les tribunaux ont progressé de 35% en dix ans, passant de 107 639 en 2001 à 145 828 en 2011 ».
    Le pire reste donc à venir, surtout pour les plus pauvres. Les huissiers, quant à eux, à contrario, progresseront de 35 %!.

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